Leòn, repos

Le Puy-en-Velay - Santiago de Compostela 2009

Je profite de ma journée de repos pour vous présenter un personnage rare et attachant du Chemin.
Michel, Breton d’origine, est costaud. Il a plus de cinquante ans et a connu la cloche, quelques mois, dans les rues de Paris. Il aurait pu s’y perdre quand il prit connaissance du regain d’intérêt pour le “Camino frances“. Sans équipement, pratiquement sans argent, il descendit vers le Sud et mit ses pas dans ceux des marcheurs. Aujourd’hui, il vit sur les Chemins d’Espagne. Il y a quelques années, je l’aurais qualifié de cheminot (pas un agent de la Sncf mais un ouvrier qui parcourait la France pour louer ses bras). Il n’est plus Sdf.
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Il est plutôt discret et n’affiche pas son statut. Sur le Chemin il n’est qu’un pèlerin parmi tant d’autres. C’est en se rendant une première fois à Santiago qu’il apprit tout des fonctionnements de cette communauté. Il découvrit le réseau des auberges et choisit les moins chères, celles qui acceptent les dons (donativos). Chaque soir, il organisa des repas qu’il partagea avec des amis (employés, avocats, professeurs, médecins, cadres) qui auraient sans doute évité sa main tendue à la sortie du métro. Autour de la table, il se retrouva à égalité de temps de parole et récupéra toute sa dignité. L’une de ces rencontres du Chemin alla jusqu’à lui offrir ses chaussures, son sac à dos et son sac de couchage au terme de son voyage, repartant en tong, un sac plastique à la main.

Mais Michel travaille. À force de contacts (souvent sur le Chemin), il s’est constitué un carnet d’adresses dans toute la péninsule et organise ses déplacements en fonction des saisons. Il vendange dans la Rioja en septembre-octobre, donne ensuite un coup de main à un producteur de cidre en Galice avant de passer l’hiver en Andalousie pour y récolter les olives. Connu comme le loup blanc, il parle correctement Castillan et est apprécié par tous ses employeurs qui l’appellent régulièrement sur son mobile. Et le reste du temps, il vagabonde, découvre, rencontre, en s’appuyant sur les infrastructures du Chemin qui lui permettent, chaque soir, de bénéficier d’un lit, d’une bonne douche, d’une cuisine et souvent d’une machine à laver.

Michel a même rencontré un industriel qui, sensibilisé par sa personnalité, souhaitait lui proposer un emploi fixe. Mais après réflexion, Michel a refusé. Car même s’il sait que sa fin de vie risque d’être difficile (peu de cotisation retraite), il préfère la liberté de cette vie de nomade au confort d’une activité salariée.

Mardi 8 Juin 2009, cinquante et unième étape.
Leòn – Hospital de Òrbigo
36,0km, 9h00 de marche.


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