Mensuel Archives: octobre 2011

Station du Mont Lozère – Le Pont-de-Montvert

À mon réveil, de longues écharpes de brumes parcourent le Mont Lozère. La lumière change très vite et il faut être réactif pour en saisir tous les effets sur le paysage.

L’étape débute par une rampe qui emprunte les pistes de la station avant de se poursuivre dans des drailles.

Un panneau déconseille aux randonneurs de se rendre au sommet par temps de brouillard, comme c’est le cas, j’entame aussitôt la descente vers le Pont-de-Monvert.


La lumière est crépusculaire et les chaos de blocs de granit gris qui dévalent les pentes sont teintés de bleu.

Plus bas, je traverse une exploitation forestière entre des murailles de troncs d’arbres empilés, impressionnant.

Juste avant le hameau de Finiels, alors que je suis pratiquement à l’arrêt, un “clac“ presque sonore me transperce le mollet gauche.

J’espère que ce n’est qu’une petite déchirure. Je continue en boitillant, un peu inquiet, mais la douleur (bien que persistante) s’atténue.

Le chemin, agréable car la pente est douce, s’insinue entre de gros blocs de granit affleurant.

Puis les petits bois de hêtres refont leur apparition.

Encore plus bas, je m’offre le portrait d’une demoiselle bien encornée. Mheuuurci la vache !…

Juste quelques mots pour apporter une explication à ceux qui s’étonnent que j’aime voyager à pied tout en détestant la randonnée. Je crois avoir enfin compris ce qui me motive dans un cas et ne m’attire pas dans l’autre. La randonnée, c’est comme lire un roman policier dont on connaît le coupable (on sait qu’en fin de journée, on retrouvera son véhicule sur le parking d’altitude pour retourner chez soi). Avec le voyage à pied, on se lance dans une véritable aventure dont on ne connaît rien, comme dans une première lecture de thriller. C’est cette envie de découvrir ce que cache le prochain virage qui, personnellement, m’a donné le goût des grands chemins. Si je n’avais la curiosité comme moteur, s’il n’y avait pas toutes ces inconnues à révéler, me connaissant, je resterais chez moi…

Huitième étape, Mardi 1er novembre, Le Pont-de-Montvert – Cassagnas, 19km

La Trappe de Notre-Dame-des-Neiges – Station du Mont Lozère

Quand je quitte La Trappe, une auto s’éloigne feux allumés, il est 7h45. Quand j’entre dans la station de ski du Mont Lozère, il est 18h00 et les autos roulent déjà en phares.

Ce soir, après 37km de marche, je suis crevé. Heureusement, demain l’étape s’apparente à une journée de repos (13km). Puis ce ne sera qu’un enchaînement de serres (collines) et de valats (vallons) cévenols, pendant 4 jours, jusqu’à Alès.
Je pense que le plus dur est derrière moi. Mais aujourd’hui restera, dans mon souvenir, comme une étape épique.

D’abord une descente de 3km jusqu’à Labastide-Puylaurent où je peux constater les nombreuses offres d’hébergement qui m’ont toutes claqué la porte au nez. Le soleil est enfin présent et nettoie le paysage de ses brumes.

J’enchaîne ensuite avec la remontée de la vallée de l’Allier, étroit ruisseau, jusqu’à Mirandol et son viaduc ferroviaire. Enfin, cap sur la montagne du Goulet dont l’ascension me fait passer de 1100m à 1477m, sous le soleil et à travers d’extraordinaires bois de hêtres.

Tout prés de la source du Lot, je marque une pause pour avaler un sandwich et une banane avant d’entamer une longue et douce descente qui me ramène à 1069m, au Bleymard.

Il me faut alors prendre une décision et j’hésite. Dois-je appeler l’hôtelier du Mont Lozère qui m’a proposé de venir me récupérer afin de m’éviter la dernière ascension de 6km ? Non, comme je ne me sens pas trop mal, qu’il n’est que 16h30, je décide de me lancer sur le goudron de la D20 plutôt que sur le GR. Si, plus haut, je ne me sentais pas bien, je pourrais toujours l’appeler à la rescousse.

Je n’ai pas fait 3km que la fatigue me rattrape, pas de chance, mon téléphone n’est plus couvert et ne me permet plus de lancer mon S.O.S. Dur, dur, à hauteur du hameau de Malavieille, il est mal le vieux et il ne sait pas comment il va pouvoir terminer. Je décide de diriger mes pensées vers mon pote Manu, qui vit des moments difficiles. Du coup, je relativise ce qui m’est imposé et je m’en sors tant bien que mal.

Septième étape, Lundi 31 octobre, Station du Mont Lozère – Le Pont-De-Montvert, 13km

Chaudeyrac – La Trappe de Notre-Dame-des-Neiges

Que dire de cette cinquième étape ?
Pas de vent, pas de pluie, temps couvert mais température agréable, voilà l’essentiel résumé.
Pour le reste, toujours de très beaux chemins, mais toujours personne pour t’accompagner ou pour t’accueillir.

Pas un bar pour faire une pause et prendre un petit café ou un sandwich. Rien… Et c’est donc, sans un véritable arrêt, en 7h45 que j’ai parcouru les 29km de sous bois (très peu d’asphalte). Les genoux grincent un peu, mais c’est encore jouable. Il faut qu’ils tiennent encore 3 jours (ascension et descente du Mont Lozère), jusqu’à Florac.

L’anecdote du jour se résume en une erreur de lecture de carte. Pour rejoindre l’abbaye de Notre-Dame-des-Neiges, le topoguide propose d’emprunter une piste vers l’Est, non balisée, dès la sortie du hameau de Rogleton. Mais c’est à la sortie du hameau précédent (Laveyrune), juste après l’Espoir abandonné que je me suis engagé sur une piste tirant vers l’Est. Mais en fin de compte, l’erreur me fut profitable, le parcours emprunté (plus court) m’offrant des décors hollywoodiens.

Parfaitement bien reçu par l’un des Frères Trappistes, je rédige mon feuillet depuis une cellule confortable. Encore merci à cette communauté d’avoir accepté de me loger puisque entre Langogne et Le Pont-de-Monvert (82km), je n’ai trouvé qu’un hôtel (Chaudeyrac, détour de 6km hors chemin), la Trappe et une possibilité pour demain sur les pentes du mont Lozère.

Du coup, après 29km aujourd’hui, je dois enchaîner par 37km demain. Deux étapes qui auraient pu en faire trois. Heureusement, le patron de l’hôtel “Le refuge“ (station du mont Lozère) m’a gentiment proposé de descendre me chercher en voiture si je rencontrais des difficultés pour finir ce marathon. Cette attitude est si rare qu’elle mérite d’être soulignée.

Alors, pourquoi existe-t-il autant de difficultés pour se loger sur le Stevenson alors que ce n’est jamais le cas sur le Compostelle?
Tout simplement parce que (en direction de Santiago) les communes ont créé des gîtes communaux ouverts toute l’année, alors que sur le chemin de Stevenson, les hébergements sont quasiment tous privés. Et comme tout bon entrepreneur (formé aux subtilités de l’économie libérale) ne travaille que lorsque cela en vaut vraiment la peine, les chambres d’hôtes sont ouvertes d’avril à mi-octobre (y compris celles qui assurent dans les guides vous accepter jusqu’à la mi-novembre). Donc, pour que le chemin de Stevenson soit rendu aux marcheurs, une seule solution, répartir une dizaine de gîtes communaux sur la totalité du parcours. Mais si le maire est, en plus, propriétaire d’une structure d’accueil, à mon avis, ça ne devrait pas le faire…

En résumé et pour conclure, si vous acceptez de vous faire traire par des “professionnels“ de l’accueil (les prestations sont souvent équivalentes à celles d’un 2 étoiles) entre mai et septembre, période d’ouverture qu’ils ont choisie en fonction de leurs seuls intérêts, suivez les ânes. Si vous préférez marcher quand bon vous semble, plus en accord avec une certaine philosophie du voyage à pied, rejoignez Compostelle, les voies sont multiples.

Sixième étape, Dimanche 30 octobre, La Trappe de Notre-Dame-des-Neiges – Station du Mont Lozère, 37km

Langogne – Chaudeyrac

À l’ouverture des volets et à l’écoute de la météo, Pierre prend une décision désagréable pour moi, il abandonne et rentre chez lui. Douleurs aux pieds et mauvais temps ont eu raison de sa détermination.
Me voilà donc seul, dans le petit matin langognais, à la recherche de la maison natale de mon frangin adoré. Déception, aucune plaque commémorative ne célèbre l’avènement sur aucune façade de la rue principale. Désolé Jojo, Langogne se montre bien peu reconnaissant à l’égard de ses plus glorieux enfants…

Le chemin débute par une côte goudronnée puis, rapidement, je m’engage sur une large piste forestière entre des enclos à bovins. Un peu plus loin, deux chevaux blancs viennent me saluer.

Après une première bosse, j’entre dans un sous-bois de hêtres aux couleurs vives.

De retour sur l’asphalte, une longue rampe me conduit à Saint-Flour-de-Mercoire, tout petit hameau où je suis accueilli par des applaudissements. Comme je me montre surpris, un homme en salopette rouge me félicite d’avoir eu le courage d’affronter le mauvais temps et m’invite à partager un café. Je le suis à l’intérieur du bâtiment qu’il est en train de remettre en ordre et découvre un petit théâtre parfaitement équipé. Spots d’éclairage, sono, gradins confortables, foyer où peuvent se prolonger les débats d’après spectacle autour d’un verre, tout y est très professionnel. Le théâtre s’appelle l’Arentelle, l’homme en salopette rouge (Bruno Hallauer) est l’âme de cette petite compagnie “l’hermine de rien“ qui multiplie les stages et spectacles loin des grandes métropoles culturelles. Encore une belle initiative à découvrir sur: http://hermine.de.rien.free.fr

Je repars sous une pluie fine (pas désagréable), les bourrasques de vent d’hier ne sont plus que des souvenirs et il ne fait pas froid. J’avance sans aucune douleur, sans forcer mon rythme naturel.

Retour dans un bois enchanteur de hêtres et de pins sylvestre, Merlin et sa forêt de Brocéliande ne sont pas loin. C’est magnifique.
Pour faire étape, je suis obligé de sortir du chemin, il est 13h30 quand j’atteins l’hôtel de France à Chaudeyrac.

Petit coup de gueule à l’attention des hôtes du chemin qui, dans le guide du GR70 comme dans les dépliants distribués par les offices du tourisme, annoncent être ouverts jusqu’à la mi-novembre et sont fermés dès la mi-octobre, c’est scandaleux et très peu professionnel. L’association des amis du Chemin de Stevenson a beau prévenir qu’en cette saison certains gîtes et chambres d’hôtes sont déjà fermés, il est difficilement compréhensible qu’elle n’intervienne pas pour que des sections de plus de trente kilomètres ne restent pas sans possibilité d’hébergement. On en regretterait presque l’auberge rouge !…

Et mes images le démontrent, même par temps couvert, cette nature est étonnante à parcourir en automne (entre mi-octobre et mi-novembre), qui plus est en période de congés scolaires. Le photographe que je suis a choisi cette saison pour se régaler de ces millions de teintes et il est dommage que les professionnels du chemin, rassasiés après une saison lucrative, ne portent pas plus d’intérêt à notre communauté de contemplatifs.

Cinquième étape, Samedi 29 octobre, Chaudeyrac – La Trappe de Notre-Dame-des-Neiges, 21km

Le Bouchet-Saint-Nicolas – Langogne

Alors que nous nous sommes endormis sous un ciel étoilé, vers 1h30, Pierre est réveillé par l’impact du vent en rafales sur les volets. Mauvais signe. Il est 7h15 quand le réveil sonne, dehors le ciel est bas et gris et le vent s’exprime en bourrasques.
Qu’importe, après un petit-déjeuner correct, on se met en marche crânement. Contre le vent nous progressons difficilement. C’est dommage parce que l’environnement sauvage serait plutôt photogénique si nous ne devions, en permanence, récupérer notre équilibre, ballottés par la tempête.

Achat du ravitaillement à Landos et “on the road again“ pour atteindre Jagonas. Dans la traversée d’Arquejol, nous rencontrons le créateur du site http://www.labestia.fr/ qui organise des randonnées théâtrales sur le thème de la bête du Gévaudan. En plus d’un parcours de 300km qui emprunte les pistes de la Margeride, de l’Aubrac et du Gévaudan, il propose, à l’étape, des veillées de lecture de contes et légendes.

Plus loin, nous doublons un vallon enjambé par le viaduc ferroviaire d’Arquejol. Après un pique-nique rapidement expédié à l’abri d’un petit bois de pins, nous reprenons notre expédition, fouettés par une succession d’averses. À Pradelles, nous nous réchauffons en avalant café et infusion. Puis c’est l’arrivée, vers 16h30, à Langogne, ville natale de mon petit frère Jojo (plus connu sous le pseudo de “Louis Jouvet Orleixois“).

Demain et après-demain s’annoncent pluvieux, ce ne sera pas facile, mais c’est aussi ce qui fait tout le sel de ces voyages à pied.

Quatrième étape, vendredi 28 octobre, Langogne – Chaudeyrac, 16km

Le Monastier-sur-Gazeille – Le Bouchet-Saint-Nicolas

Il est 8h30 quand nous quittons l’hôtel après un bon petit-déjeuner. Le ciel est clair, sans un nuage, ce qui implique une température qui avoisine les 0 degrés. Pour franchir la Gazeille, nous débutons par un dénivelé négatif de 120m. Mes genoux (fragiles) risquant de ne pas apprécier, je fais bien attention (pour les soulager) de prendre appuis sur ma paire de bâtons. Les champs alentour sont couverts d’une belle gelée blanche et le froid pince le bout des doigts.


Une fois descendu dans le fond du val, il faut remonter en face. Un bel effort dans une pente raide et ensoleillée nous amène sur un plateau entre les hameaux de Cluzel et de Courmarcès (142m d’ascension).

Après 7km, arrivée à St Martin de Fugères (altitude 1057m) puis descente sur La Loire par la Traille des muletiers qui offre un étonnant point de vue sur la vallée. Pierre en profite pour me tirer le portrait.

Une fois franchi le fleuve au Goudet (altitude 855m), nous entamons une ascension de folie, 200m de dénivelé dans des rampes abruptes et caillouteuses. Un vrai plaisir en apéritif.

Mais, arrivé à Montagnac, toujours rien à se mettre sous la dent (aucun commerce ni troquet). Nous décidons d’avaler le reste de nos provisions, un bout de fromage, une demi banane chacun et quelques biscuits. Le tout arrosé d’eau fraîche.

Ce n’est qu’à Ussel, un peu plus loin sur un plateau qui rappelle la Suisse, que nous pourrons faire une halte dans un café restaurant. Un demi pression plus tard, nous voilà repartis.

Les 8 derniers kilomètres sont couverts sans trop de difficulté et c’est à 16h30 que nous rejoignons le gîte municipal du Bouchet-Saint-Nicolas. Ouvert récemment, il est parfaitement équipé de petits dortoirs (6 ou 7 lits). Une charmante hôtesse nous a proposé de nous préparer le repas du soir ainsi que le petit-déjeuner demain matin. Que demander de plus après une étape aussi sportive?…
Une bonne nuit de sommeil.

Troisième étape, jeudi 27 octobre, Le Bouchet-Saint-Nicolas – Langogne, 26km

Le Puy-en-Velay – Le Monastier-sur-Gazeille

Nous le savions depuis quelques jours, cette première journée devait être la plus arrosée de la semaine et dés les premières rampes asphaltées, avant même d’avoir quitté l’agglomération, quelques gouttes bénissent notre aventure. Voyage pluvieux, voyage heureux. Première portion en sous-bois (magnifique) sur un chemin pavé de pierres de lave. Même sans soleil, les couleurs de l’automne sont lumineuses, nous allons nous régaler…

Arrivés au sommet de la côte, sur un plateau cultivé, les quelques gouttes deviennent ondée et nous décidons de protéger les sacs. Puis, sous l’averse, les ponchos font leur première apparition.

C’est dans cette confusion que nous avons dû rater une balise et que nous sommes sortis du chemin officiel pour nous retrouver engagés dans une superbe descente colorée.

En lisière du bosquet, face à une vallée ouverte, nous avons reconnu Coubon, son pont sur la Loire et son château perché. Quelques centaines de mètres parcourus sur une voie verte, ancienne voie de chemin de fer recyclée, et nous nous autorisons une première halte sous la tonnelle d’un charmant café. Achat de pain, de charcuteries, et nous voilà repartis dans une côte au pourcentage sévère. Bonne option de l’avaler le ventre vide. Au sommet, près du hameau d’Archinaud, les casse-croûte sont appréciés. Nous repartons pour couvrir les derniers kilomètres alors que pointent enfin quelques rayons de soleil.

Puis, une piste forestière nous conduit jusqu’au hameau de l’Herm avant que nous apercevions les premières maisons du Monastier-sur-Gazeille. Arrivée à l’hôtel de Provence vers 15h30, après 7 heures de balade (pauses comprises), nous avons joué la prudence en refusant de tirer sur les bêtes.

Deuxième étape, mercredi 26 octobre, Le Monastier-sur-Gazeille – Le Bouchet-Saint-Nicolas, 22km

Tarbes – Le Puy-en-Velay

Journée consumée dans un voyage long et laborieux.
Départ de Tarbes à 10h44, arrivée à Toulouse à 12h00, normal.

Départ de Toulouse à 12h40, arrivée à Aurillac à 16h00 et c’est à partir d’Aurillac que cela s’est sérieusement gâté. Les 170 derniers kilomètres ont été couverts en 5h45 minutes.
Oui, vous ne rêvez pas, à l’heure de la grande vitesse, on peut encore se voir offrir par la Sncf des parcours à la vitesse moyenne de 29,56 km/h.
Donc, à part nos services publics qui se cassent la gueule, tout va bien, Pierre (ami de 50 ans) est fidèle au rendez-vous et nous partons, comme prévu, demain mardi à l’aube.

Première étape, mardi 25 octobre, Le Puy-en-Velay – Le Monastier-sur-Gazeille, 19km