Ruta de la Plata 2015

C’est en 2009, entre Le Puy-en-Velay et Santiago de Compostela, que j’ai découvert le voyage à pied. Un premier défi que je me suis lancé avec enthousiasme et que j’ai relevé dans la difficulté.

Puis, en 2011, j’ai suivi le chemin de Robert Louis Stevenson, 10 jours de pur plaisir baignés de lumière automnale.

En 2015, j’ai choisi de m’élancer sur la ˝Ruta de la plata˝, l’un des nombreux ˝Caminos de Santiago˝ espagnols, que j’effectuerai par tronçons d’une dizaine de jours répartis sur plusieurs saisons.
La façon la plus sage de continuer le voyage à pied.
Première séquence de cette nouvelle aventure, 10 étapes entre Sevilla et Mérida.
Ultreïa !...

Conseils de lecture

La lecture d’un blog débute toujours par la dernière publication, c’est comme ça.
Donc, si vous souhaitez découvrir ce bout de Chemin dans sa chronologie, vous devez utiliser le curseur latéral pour retrouver en fond de page la relation de ma première étape.

Étape 10, Torremegia – Mérida, 16 km Mardi, 14 avril 2015

Cette étape, courte, longe la N 630 avant, à l’approche des faubourgs de Mérida, de s’en éloigner par la droite.
Puis, très vite, j’atteins le fameux pont romain de Mérida (le plus long de l’empire). Nombreux sont les marcheurs qui s’étonnent d’être si tôt arrivés, certains décident de pousser jusqu’à Aljucen pour mieux occuper leur journée.

Pour ma part, c’est ici que s’achève mon voyage à pied de printemps.
Il ne me reste plus qu’à découvrir les merveilles antiques de Mérida avant de rejoindre ma tanière.


Étape 9, Villafranca de los Barros – Torremegia, 27,5 km Lundi, 13 avril 2015

Pas un nuage, la lueur du jour illumine l’horizon à l’est, il est 7h30 quand je quitte mon hôtel.

L’étape n’est pas des plus agréables. Le paysage ne varie pas, proposant une succession de vignes à perte de vue sur une plaine plate comme la main. De loin en loin, une petite oliveraie rappelle qu’autrefois l’agriculture était vivrière et non industrielle et mondialisée.

Aujourd’hui, l’Espagne, numéro un de la production vinicole mondiale devant la Chine et la France, a fait le choix de proposer des vins accessibles aux consommateurs des pays émergeants. Et tous les agriculteurs de ces territoires assument leurs choix, jusqu’à l’excès.

Je progresse en enchaînant les lignes droites de 3 à 4 kilomètres et quand, vers midi, apparaît Torremegia dans le lointain, il me reste une petite dizaine de kilomètres à couvrir. J’en ai marre. Il fait chaud et, d’un coup, mes jambes se font lourdes. Je choisis de ralentir un peu.
Dans mon dos, des marcheurs se rapprochent, Certains sont sur mes talons quand j’en termine avec l’étape que j’estime être la plus pénible de cette portion de la Ruta de la Plata (entre Sevilla et Mérida).

Étape 8, Zafra – Villafranca de los Barros, 20,6 km Dimanche, 12 avril 2015

Je choisis de me mettre en route autour de 7h30, il fait encore nuit et l’air est frais (10º). Dès les faubourgs, j’attaque une courte ascension sur asphalte entre des jardins récréatifs. Arrivé au sommet d’une colline pompeusement appelée Sierra de los Santos, je bascule dans l’autre pente pour plonger sur le village de Los Santos de Maimona. Pas plus de 200 mètres de descente à 17 % et mon genou droit se rappelle à mon bon souvenir. Je franchis l’obstacle sans recourir à la marche arrière mais c’est un vrai problème que je dois résoudre pour envisager de futurs voyages à pied.


Le chemin m’entraîne ensuite dans un paysage identique à celui de la veille avec, sur 2 bons kilomètres, une originalité rare. La piste est bordée, de part et d’autre, par une haute clôture grillagée surmontée de barbelés. Pendant une vingtaine de minutes, impression étrange, j’ai l’impression de vivre le quotidien d’un prisonnier de pénitencier agricole américain. Je termine ensuite l’étape, tranquillement, en 4h30, même si la fatigue des 8 premières journées commence à se faire sentir.

Étape 7, Fuente de Cantos – Zafra, 25,8 km Samedi, 11 avril 2015

Étape sans grand intérêt esthétique, j’avance dans la mornitude la plus absolue…
Le Chemin file plein nord en terrain cultivé, parfois une vigne, quelques oliviers, mais le plus souvent des étendues de céréales encore en herbe.

Un parcours propice à l’introspection, une étape rêvée pour un marcheur philosophe, une étape parfaite pour s’égarer. Et c’est ce qui m’est arrivé quand, ne retrouvant plus l’enchaînement si rassurant des flèches jaunes peintes de loin en loin, j’ai préféré traverser un fossé assez profond et inondé plutôt que de revenir sur mes pas. C’était plus rapide et, surtout, plus amusant…

Je termine l’étape, les pieds au frais, la tête au soleil.
La très belle ville de Zafra m’accueille ce soir, la présence d’une gare me permet d’acheter mon billet de train retour, Mérida – Huesca.

Étape 6, Monesterio – Fuente de Cantos, 21,8 km Vendredi, 10 avril 2015

Pour ne rien rater des premières lueurs du jour, toujours spectaculaires, pour partager encore plus d’intimité avec le Chemin, je démarre plus tôt. Il est 7h30, il fait toujours nuit quand je me mets en route.
J’ai coutume de dire : Avant 9h30, je suis le Chemin, après 9h30, je suis le Chemin…
À méditer.



Je suis déjà engagé sur la piste de terre quand le jour commence à poindre. Je retrouve avec bonheur les dehesas enceintes de murets de pierres, les riachuelos qui serpentent entre des roches posées sur d´épaisses pelouses.


C’est magnifique. Je suis seul, il fait presque froid, mais le soleil se devine au travers d’une fine brume. Je me régale mais progresse lentement, stoppé tous les 100 mètres par l’envie de fixer ces instants si précieux.

À la moitié du parcours, je suis surpris par l’arrivée dans mon dos d’un cycliste-voyageur.

Ensemble, nous franchissons une barrière métallique qui s’avère être une véritable frontière entre deux mondes.

Nous laissons derrière nous les dehesas si plaisantes pour pénétrer un paysage de terres cultivées, de champs labourés, de vallonnements mornes à perte de vue. Mais c’est exactement ça le Chemin, cette variété qui nous surprend souvent. Au passage d’un col, le brouillard m’enveloppe puis s’estompe.


Il me reste à parcourir une dizaine de kilomètres.

Étape 5, El Real de la Jara – Monesterio, 20,8 km Jeudi, 9 avril 2015

Il est 8 heures pétantes quand je referme la porte de ma chambre.
Sur le seuil de la maison, comme chaque matin, je prends la direction du Nord. Dix minutes plus tard, je ne suis pas encore complètement réveillé, le jour se lève à peine, il fait très frais, le ciel est bas et l’ambiance est brumeuse.


J’avance sur une belle piste entre deux murs de pierres, face à moi, un château médiéval domine un pré d’un vert lumineux où paissent de blancs moutons. Je me pince, aurais-je été télé-porté en Ecosse ?

L’illusion est parfaite mais non, je suis toujours sur la Via de la Plata, entre Andalucia et Extremadura.

Les 10 premiers kilomètres se déroulent entre de vertes dehesas peuplées de bovins, ovins, caprins, porcins, canins…


Puis, dans le lointain, un ensemble de bâtiments modernes apparaît. La chapelle de San Isidro, oratoire modeste, précède un abattoir rural porcin puis, en bordure de la 4 voies, le complexe hôtelier Léo. Je ne suis plus qu’à 10 kilomètres de Monesterio, je m’octroie une halte roborative, j’avale un petit bocadillo de lomo asado con pimientos, j’arrose le tout d’une caña fraîche et je repars.
Fini l’enchantement que procure la marche en territoire naturel, je termine l’étape sur du goudron, en longeant la nationale 630 qui relie Sevilla à Mérida.

Étape 4, Almadén de la Plata – El Real de la Jara, 16,5 km Mercredi, 8 avril 2015

Etape courte qui doit se dérouler sous la pluie si l’on en croit les prévisions météo officielles…
Lever à 7h30 pour un départ à 8 heures, j’avale mon café et me voilà lancé dans le petit jour sur les pistes larges du parc de la sierra norte.

Le ciel est couvert mais aucune goutte ne vient perturber ma progression.

Après quelques kilomètres, j’arrive aux abords d’une grande demeure, la Casa de la postura, l’une de ces résidences de chasse ostentatoires prisées par les riches andalous. On devine un court de tennis sur l’arrière et une piscine doit, vraisemblablement, compléter l’ensemble. Bizarre qu’il soit possible de construire une telle bâtisse dans un parc naturel.

Plus loin, de vastes enclos situés de part et d’autre de la piste sont occupés par d’innombrables chèvres. La ferme qui domine notre parcours est en activité et on devine du personnel au travail dans une fromagerie artisanale. Puis, en suivant, commence le territoire des cochons, des Ibericos, stars de l’agroalimentaire espagnol.

Sympathiques et placides, ils sont élevés en parfaite liberté sur de grandes étendues plantées de petits chênes, les dehesas (pâtures communales ouvertes aux éleveurs locaux). Et le Chemin traverse cette population animale sans vraiment la perturber. Quand je m’arrête pour les photographier, quelques-uns, curieux, s’approchent quand d’autres ne bougent pas un cil et attendent, vautrés, que je m’éloigne. Très proches des porcs noirs de Bigorre, je ne peux m’empêcher de penser que ces sympathiques bestioles sont fatalement vouées à finir dans nos assiettes.

Le relief est accidenté, ça monte, ça descend, ça remonte, parfois de façon abrupte, toujours dans de magnifiques paysages et au bout de 4 heures d’un voyage charmant, j’aperçois les toits d’El Real de la Jara.

Étape 3, Castilblanco de los Arroyos – Almadén de la Plata, 29,4 km Mardi, 7 avril 2015

Grand bleu à mon réveil.
Il est 8 heures quand je me mets en route, 5 minutes plus tard, j’entre dans un bar pour avaler un excellent petit café solo.

Prêt pour l’étape la plus longue de cette partie de la Ruta de la plata, entre Sevilla et Mérida.
J’appréhende un peu, surtout parce que la moitié de l’étape est à couvrir en bord de route, ce qui n’est jamais très sûr ni agréable.

Erreur, la petite route provinciale est peu fréquentée, pas plus d’un véhicule toutes les 4 minutes, l’asphalte est parfait et très roulant, le paysage alentour est plein de charme.
Il fait beau et frais, un vent léger me pousse dans le dos, le paysage est vallonné, je m’arrête régulièrement pour photographier les dehesas qui m’entourent à perte de vue.

Autour de midi, 4 heures de marche plus tard, j’entre dans le parc naturel de la sierra norte. Un garde m’informe que j’ai déjà couvert 17 km et qu’il ne m’en reste plus qu’une douzaine.

Je devrais arriver pour déjeuner, vers 15 heures. Je marque une pause de 20 minutes. J’avale quelques biscuits pour le sucre et une poignée de chips afin que le sel fixe le demi-litre d’eau que j’ingurgite d’un trait.
Seul petit point négatif de cette étape, il n’y a aucune possibilité de ravitaillement en eau sur cette étape. Le garde m’avait signalé une fontaine dans l’enceinte d’une maison forestière abandonnée, mais le robinet était malheureusement fermé.
Sinon, le chemin est parfait, un vrai parcours dans l’esprit des Chemins de Saint Jacques, varié, alternant les pistes forestières larges et les sentiers à peine tracés.

Aucune difficulté jusqu’à un kilomètre du terme. Il me reste à franchir un raidillon abrupt pour effacer une barrière rocheuse d’une soixantaine de mètres de dénivelé. L’effort est court et s’apparente à l’ascension d’un escalier. Je me concentre sur mon rythme cardiaque et prends mon mal en patience. Dix minutes plus tard, je suis au sommet, dominant le parc de la sierra norte.

De l’autre côté, en contrebas, Almadén de la Plata m’accueille. Les cloches de l’église locale sonnent 15 heures quand je dépose mon sac.

Étape 2, Guillena – Castilblanco de los Arroyos, 19,2 km Lundi de Pâques, 6 avril 2015

Au réveil, coup de tonnerre, déluge devant la porte, la route est un torrent…
Nous enfilons les ponchos et nous démarrons, de nuit, sous la pluie, il est 7h30.
Le Chemin, qui emprunte normalement le cours à sec d’un rio est impraticable. Après quelques hésitations et sur les conseils d’autochtones, nous nous lançons en bordure de nationale pour 2 km d’un parcours dangereux. Nous sommes entre chien et loup, nos ponchos sont gris et bleu nuit, il pleut, et les conducteurs qui arrivent en face nous découvrent au dernier moment, je n’aime pas ça. Enfin, au niveau d’une station-service, à l’arrière d’un polygone industriel, nous trouvons le départ du chemin.
Au sol, c’est de la boue très grasse, nous avançons en patinant, en appui sur nos bâtons. Chaque chaussure est alourdie par 1 kilo de glaise et d’argile mêlés.
Entre orangers et oliviers, ce n’est pas l’enfer mais ça ressemble au purgatoire…
Et la pluie cesse enfin…
On arrive devant une barrière canadienne. De l’autre côté, un troupeau de vaches paisibles.
On entre dans le cortijo, et l’épreuve devient plaisir…



Un paysage fleuri, magnifique, un chemin sablonneux qui serpente entre de petits chênes, un coin de paradis…

Serge se régale des multiples parfums que diffuse cette nature humide.

Le soleil apparaît, pour saluer notre entrée dans Castilblanco.
Comme prévu, Serge monte dans le bus afin de rejoindre ses pénates sévillans.
Demain, plus longue étape de ce bout de Chemin.