Mensuel Archives: avril 2009

Moissac, repos

Enfin, un jour de repos complet. L’hôtel du pont Napoléon est parfait pour marquer une pause régénératrice. La demi-pension est accueillante, confortable, et la cuisine gastronomique. Une adresse à retenir pour tous ceux, pèlerins et voyageurs, qui passent dans la région.

Par contre, marcheurs, vous pouvez éviter la communauté Marie Mère de l’Eglise. Hier soir, après notre raid sous l’orage, mes compagnons québécois ont été reçus comme des pestiférés. Rincés, transis, les pieds trempant dans leurs chaussures, ils ont eu le tort d’avouer qu’ils arrivaient du gîte communal de Lauzerte réputé pour abriter une petite colonie de punaises. Panique chez les sœurs qui leur ont fait vider entièrement leurs sacs, qui ont inspecté tous leurs vêtements, recto verso, à la recherche de possibles larves. Manon et Denis ont évité la fouille au corps de justesse mais n’ont pas échappé à un exposé encyclopédique (hors sexualité) sur la punaise. Ce n’est qu’en fin d’après-midi, une fois achevée leur quarantaine, qu’ils ont eu le droit de rejoindre leur chambre pour se sécher et se réchauffer.
Compassion : zéro…

Catherine prenant le train pour Biarritz avant de filer sur le chemin côtier nord vers Santiago, nous nous sommes retrouvés à 4 pour partager un dernier repas. Dehors, autour de l’abbatiale Saint-Pierre, pluie et soleil jouent à cache-cache.
1
L’abbatiale Saint-Pierre de Moissac et son tympan.
dscf4560
Détail du porche.
dscf4567
Plafond polychrome de l’abbatiale.

Ce départ marque, pour moi, la fin d’une époque, le premier quart du voyage. Manon avait besoin de se reposer, ils se sont arrêtés une journée, mais doivent, du coup, rallier Saint-Antoine où ils ont réservé ce soir. Denis commande un taxi. Désormais, ils seront devant moi. Demain, je marcherai seul, la première fois depuis mon départ. Sans doute jusqu’à ce que de nouvelles amitiés croisent ma route.

Jeudi, 30 avril 2009, dix-huitième étape.
Moissac – Saint-Antoine
29,6km, 7h30 de marche, 450m de dénivelé.

Modification du calendrier

Ce calendrier est appelé a évoluer en fonction d’aléas que je ne contrôle pas.
Il est mis à jour, ce soir, suite à l’insertion d’une journée de repos, demain 29 avril.
Il est vraisemblable que je marquerai une nouvelle pose (24 ou 48 heures) à Pau.

Lauzerte – Moissac

La journée a pourtant bien commencé.
Il est 7h30 et l’exceptionnelle bastide perchée de Lauzerte baigne dans un flot de lumière dorée. Je me souviens être venu photographier l’endroit, il y a près de 20 ans, en illustration de textes de Joseph Ribas pour les éditions Milan (Les chemins de Garonne). Voir section publications. La rue principale est éventrée pour enfouir des réseaux, des travaux de rénovation embellissent encore les bâtisses “renaissance“ de la cité.
dscf4524
Mais pour ce qui nous concerne, une seule question :
- Les chemins auront-ils un peu séché?
Dés les premiers mètres, notre petite troupe est rassurée et note une réelle amélioration. Un couple de basques de Souraïde est lancé à l’avant, nous suivons en profitant de la belle journée qui s ‘annonce.
Il y a là, Catherine la Bisontine, Denis et Manon (les Québécois) et Pierre (mon frère de limonade) qui vit ses dernières heures sur le Chemin avant son retour en Ile-de-France.
dscf4527
Des nuages de plus en plus noirs montent de l’Ouest, le photographe se régale. Les lumières sont furtives, éparpillées sur le vallonnement. Je me laisse lâcher pour retrouver le groupe au café.
dscf4551
dscf4543
Une décision a été prise en mon absence, on file sur Durfort-Lacapelette, point de ravitaillement. L’orage éclate, le patron du bistrot nous propose de déjeuner à l’abri, nous ne nous faisons pas prier.
Avec les cafés arrive une éclaircie.
Les pèlerins enfilent leurs pèlerines (pas top) et nous décidons d’abandonner le GR65 à sa boue et de rejoindre Moissac par le goudron.
dscf4557
Plus dangereux, mais les sentiers sont impraticables. En file indienne, nous nous lançons dans une marche “commando“ et ça ne rigole pas… Cathy a pris la tête, Pierre ne lâche rien, je roule plus loin en compagnie de la Belle Province.
Le paysage a changé, fini la garrigue sauvage des Causses.
L’homme a domestiqué la nature, organisé ses cultures, nous approchons de Moissac.
dscf4559
Nous avalons les 12km en 2h30, malgré une série d’averses, mais un orage de grêle nous arrête à l’entrée de la ville.
Trop dur. J’ai besoin d’un toubib et d’une journée de repos. J’appelle l’hôtel du pont Napoléon, il leur reste une chambre, je la réserve.
Il est 16h30 quand je m’écroule sur mon lit.

Mercredi, 29 avril 2009, repos.
Moissac.

Lascabannes – Lauzerte

Aujourd’hui, une alternative au GR65 direct vers Lauzerte se propose, la variante de Montcuq (+2km). Vu mon état (pas reluisant) je souhaite tirer au plus court. Pierre, toujours fringant, préfère se taper Montcuq. Nous nous séparons, Pierre en profitera pour faire quelques provisions de pique-nique.
dscf4514
La pluie de la veille a rendu la sortie de Montcuq merdeuse. Les chemins détrempés sont plus que gras, nous avançons avec un kilo de boue sous chaque chaussure, les descentes sont dangereuses. On patine, on glisse, on se rattrape aux branches, certains s’étalent avant que d’autres ne les ramassent (esprit du Chemin).
Pierre me retrouve juste après Montlezun où nous cassons la croûte, contents (pour une fois) d’avoir fait quelques centaines de mètres sur goudron.

À Lauzerte, je pousse la porte d’un médecin en espérant qu’il soit mésothérapeute. Pas de pot pour ma tendinite (tibia droit), il ne sait pas faire. J’attendrai Moissac pour retenter ma chance. Arrivé au gîte, je m’applique une poche de glaçons sur la jambe et prends de l’aspirine.

Mardi, 28 avril 2009, dix-septième étape.
Lauzerte – Moissac
26,3km, 6h40 de marche, 350m de dénivelé.

Cahors – Lascabannes

Le dimanche s’annonçait morose. C’était bien vu. Pluie incessante, froid, une étape que l’on oubliera rapidement si l’on veut garder le moral.
La journée avait pourtant bien commencé, grasse matinée pour tout le monde. Réveil à 7h45, petit-déjeuner copieux, viennoiseries, jus d’orange, le luxe hôtelier.
Après avoir abandonné Danie à ses corrections de copies dans le train du retour et à ses élèves, demain à Noisy-le-Grand, nous enclenchons la marche avant.
dscf4505
Il est 9h30 quand nous traversons le Lot par le pont Valentré, puis ascension vers le causse par l’escalier de la Chartreuse (raide). Le reste du voyage ne présentera pas de réelles difficultés.
dscf4509
À l’entrée d’un bosquet, une petite croix de métal (fixée sur un cairn de pierres sèches recouvert de menues monnaies) nous rappelle la religiosité que beaucoup attachent à ce chemin. Et quand je dis beaucoup, c’est sciemment. Chose bizarre, alors que nous n’étions que six pèlerins à partager le repas des nones(agénaires) de Vaylats, vendredi, deux jours plus tard, c’est une cohorte de ponchos dégoulinants qui approche de Lascabannes.
Il semblerait que la proximité du mois de mai et de ses ponts (à moins que ce ne soit un surcroît de ferveur religieuse) attire le marcheur sur les sentiers de St-Jacques.

Lundi, 27 avril 2009, seizième étape.
Lascabanes – Lauzerte
22,8km, 5h45 de marche, 250m de dénivelé.

Vaylats – Cahors

Grosse différence de température entre hier et aujourd’hui, la pluie est de retour, les capes sont de sortie. Succession de causses et de vallons qui nous mène aux portes de la préfecture du Lot.
Cahors, pour moi, représentait un premier but. C’est ce soir que se termine le premier quart du voyage (sans doute le plus dur), deux semaines de marche, près de 350km effectués dans des conditions parfois difficiles.
dscf4502
Côté physique, deux ampoules aux pieds, un syndrome rotulien sous contrôle, une légère tendinite sur l’avant du tibia droit que je soigne. Rien de bien grave pour l’instant.
L’ambiance a évolué au cours de ces quinze jours.
Entre découvertes et grand spectacle (Aubrac), avec Marylène avant qu’elle ne soit contrainte d’abandonner sur blessure.
Entre ennui et morosité, avec des étapes de transition goudronnées, couvertes courageusement par Danie.
dscf4500
Et depuis que Pierre est arrivé, la série est en cours : deux belles étapes au soleil, une journée sous la pluie et un dimanche (demain) qui s’annonce morose.

Message personnel pour Patrick :
Merci pour tes conseils “équipement“, ils se sont tous révélés judicieux.
Merci de m’avoir raconté avec autant de ferveur ton St Jacques, tu m’as conforté dans mon intention de me lancer dans cette aventure mais, à partir de demain, je serai devant toi sur le Chemin.

Dimanche, 26 avril 2009, quinzième étape.
Cahors – Lascabanes
22,2km, 5h40 de marche, 320m de dénivelé.

Cajarc – Vaylats

L’étape Cajarc – Varaire affiche 25,7km.
Varaire – Cahors, l’étape de demain nous impose 8h30 de marche pour plus de 33km. Danie, de retour parmi nous, suggère :
- Et si nous équilibrions les deux étapes ? En rallongeant la première, nous raccourcirions la seconde d’autant.
Passé Varaire, la seule possibilité de gîte offerte est un couvent situé à Vaylats. D’après le guide, c’est sœur Monique qui enregistre les réservations. Autant pour Pierre que pour moi, la perspective de rencontrer sœur Monique et de passer une nuit au couvent finit de nous motiver. C’est décidé, ce soir, nous vivrons la grande aventure du couvent et tant pis pour les 8km de plus à couvrir en fin de journée dans des chemins creux bordés de murs de pierres sèches.
dscf4495
En fait, plutôt qu’équilibrer les deux journées nous n’avons fait qu’intervertir leurs kilométrages. Danie, ayant pris du retard et souffrant de la chaleur, nous informe par téléphone qu’elle a décidé de stopper à Varaire.
Nous ne sommes donc que deux pour frapper à la porte du couvent.
Très vite, je comprends que je trouverai difficilement une liaison wifi pour poster article et photos. Même pas en rêve. Nous logerons dans une maison de retraite de nones ayant vécu leurs missions en Afrique (moyenne d’age 80 ans).
dscf4498
La nuitée en 1/2 pension est à 26 euros (panier de pique-nique inclus). Après le Bénédicité, le repas est copieux, riche en sucres lents et arrosé de vin de Cahors. Le petit-déjeuner est servi à 7h15, avant les offices. Je suis, pour la première fois depuis le départ du Puy, dans la peau d’un pèlerin, moins d’un marcheur.

Sur cette première quinzaine du parcours, j’ai rencontré peu de ferveur religieuse. Denis, un sympathique Québécois à qui je demandais quelle était la motivation principale de son engagement dans cette aventure du Chemin, m’a répondu :
- Certains font le Chemin de Saint-Jacques, moi, je fais le GR65.
La nuance est claire.

Samedi, 25 avril 2009, quatorzième étape.
Vaylats – Cahors
25,1km, 6h30 de marche, 250m de dénivelé.

Figeac – Cajarc

Après deux journées de vaches maigres (trop goudronnées), enfin une belle étape. Longue (31,6km) et 9 heures sur le chemin pour qu’on ait le temps d’en profiter. Grand bleu sur le Quercy, le causse est couvert de fleurs, un petit vent frais rend l’éclat du soleil supportable et pendant ce temps là, des centaines de parisiens se pressent dans les couloirs de Denfert-Rochereau. Sur le Chemin, la belle vie se résume à mettre un pied devant l’autre et à recommencer. Des gamelles, des bidons, des gamelles, melles, melles, des bidons, dons, dons…
dscf4477
Depuis la belle ville de Figeac, juste réveillée, nous grimpons sur le causse. Un chemin de crête nous conduit jusqu’à Faycelles, superbe village en balcon sur la vallée du Lot. Le reste de la journée nous entraîne de chemins en sentiers à la découverte de cazelles, ces très beaux abris pour bergers construits en pierres sèches, sans liant, utilisant la technique de l’arc boutant.
dscf4481
Arrivés à Cajarc, nous retrouvons Danie qui a choisi de faire l’étape en bus afin de s’octroyer une journée de repos et corriger des copies qui alourdissent son sac depuis Paris.
Bel exemple de conscience professionnelle.

Vendredi, 24 avril 2009, treizième étape.
Cajarc – Varaire
25,7km, 6h30 de marche, 350m de dénivelé.

Livinhac-le-Haut – Figeac

Deuxième étape sans grand intérêt parce que trop bien goudronnée. Après avoir dominé la vallée du Lot et ses brumes, nous passons des toitures en lauzes aux toits couverts de tuiles-canal et nous quittons enfin le territoire de l’aligot, élément incontournable de la gastronomie cantalo-aveyro-lozérienne. Sur la dernière semaine, je pense avoir testé 6 aligots qui filaient plus ou moins bien.
dscf44552
Hier soir, j’ai appelé mon ami Jacques (médecin spécialisé dans le sport et l’effort, qui a déjà fait le Camino frances jusqu’à Santiago) pour lui parler de ma rotule. Il m’a conseillé de me mettre sous anti-inflammatoire, j’ai immédiatement obtempéré. Aux premières heures de la matinée, les effets de l’ibuprofène n’étant pas réellement perceptibles, je décide d’y adjoindre 1 gramme d’aspirine. Très vite, mon allure s’améliore et toute douleur disparaît. Je viens d’inventer l’ibuspirine, l’association miracle qui vient à bout des syndromes rotuliens.
dscf4464
dscf44651
Première journée vraiment printanière, champs et talus couverts de fleurs au soleil, les marcheurs progressent rapidement. À Figeac, Pierre, qui a dû repousser plusieurs fois sa venue sur le Chemin, est enfin au rendez-vous.
La bande de l’escalier 9 de la Cité Bel-Air de Tarbes est reconstituée. Avec Danie et Pierre, nous nous connaissons depuis septembre 1963 et nous voilà, à nouveau, partageant une chambre et un projet commun : arriver à Cahors avant dimanche. C’est plutôt sympa, une amitié de plus de 45 ans.

Jeudi, 23 avril 2009, douzième étape.
Figeac – Cajarc
31,6km, 8h00 de marche, 380m de dénivelé.

Conques – Livinhac-le-Haut

Etape de m…. à 90% asphaltée, démarrée dans une brume qui m’interdit de fixer sur pellicule l’abbatiale de Sainte-Foy depuis l’autre rive du Dourdou.
Et mon genou, que j’avais soigné dés l’arrivée, hier, n’a pas attendu que j’atteigne le pont romain au bas de la cité pour se rappeler à mon bon souvenir.
Donc, plutôt que de me décarcasser à trouver un sujet d’article sur Decazeville, cité riante s’il en est, je vous propose d’ouvrir un forum sur l’état de mon genou.
dscf4435nb1

Je m’explique : je ressens une très forte douleur sous la rotule de mon genou gauche, légèrement à gauche, mais uniquement en descente. Dès que la pente s’inverse ou que le sol est plat, tout roule…
Au repos et très rapidement, tout rentre dans l’ordre, le genou n’est pas enflé.
Si vous pouvez me conseiller, si vous avez des trucs, n’hésitez pas à me les communiquer, je suis preneur.
Je profite, d’ailleurs, de cette occasion pour vous remercier tous de vos messages et encouragements.

Mercredi, 22 avril 2009, onzième étape.
Livinhac-le-Haut – Figeac
25,3km, 6h20 de marche, 400m de dénivelé.