Mensuel Archives: avril 2009

Golinhac – Conques

Ce matin, les marcheurs font la gueule.
Il pleut et le paysage est noyé dans un brouillard épais. Sous nos capes de pluie, tels des zombies aux allures de Quasimodo, nous traversons des hameaux lugubres.

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Le binôme suisse râle, les Québécois avancent en silence, Danie profite de la moindre occasion pour marquer une pause, se reposer, se réchauffer ou se sécher.
Conques n’est plus très loin et en approchant de ce haut lieu de religiosité, les témoignages de foi se multiplient au bord du Chemin. En lisière d’une forêt de sapins, une croix sommaire supporte une petite vierge-bouteille de Lourdes. Pour avoir photographié pendant plusieurs saisons les pèlerins de la cité mariale (voir section reportages), ce souvenir de plastique m’évoque bien des anecdotes fixées en noir et blanc.
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L’arrivée sur Conques se fait dans la douleur. Une demi-heure de descente dans un chemin creux pavé de grosses pierres glissantes m’explose le genou gauche.
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Il est urgent, pour moi, de trouver rapidement un lit et de passer aux soins quotidiens. Massages, prise d’aspirine, repos en position couchée et rédaction de l’article quotidien du blog.

Mardi, 21 avril 2009, dixième étape.
Conques – Livinhac-le-Haut
25,8km, 6h30 de marche, 700m de dénivelé.

Pépé Catusse

Hommage à un ami des pèlerins et marcheurs du GR65.
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Espalion – Golinhac

L’étape du jour (dominicale) se présente en deux parties. La matinée est plutôt roulante. L’après- midi promet des dénivelés éprouvants mais à la mi-journée, Estaing, nous offre une pause au soleil.

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Contrairement à ce que vous pourriez croire, Estaing n’est pas le berceau familial de la famille Giscard. Mais il se pourrait bien que cela devienne la résidence “ad vitam eternam“ de notre cher Valery. En effet, depuis peu, V.G.E. a fait l’acquisition du magnifique château local (XV éme siècle) justifiant, enfin et de ce fait, l’intégralité de son patronyme.
Rappelons-nous le mot cruel du général De Gaulle recevant son secrétaire d’état aux finances venu lui présenter son projet d’emprunt :
- Giscard ? Certes, vous avez un beau nom d’emprunt…

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Plus tard, les ascensions s’enchaînent sous les averses de pluie et de grêlons, et nous terminons notre course en surplomb du pays d’Olt.
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Lundi, 20 avril 2009, neuvième étape.
Golinhac – Conques
20,8km, 5h30 de marche, 300m de dénivelé.

Saint-Chély-d’Aubrac – Espalion

Journée de transition entre l’Aubrac et la vallée du Lot.
Premiers kilomètres effectués au travers d’une magnifique forêt de hêtres, le soleil est au rendez-vous. Un jeune chien, bâtard de Labrador, qui m’avait accompagné la veille dans l’ascension du col d’Aubrac avant de disparaître dans les pas d’un autre pèlerin, aussi. Il semble connaître le GR65, choisissant à chaque embranchement la bonne direction. Bientôt, de la ligne de crête sur laquelle nous progressons, nous apercevons une mer de nuages qui recouvre la vallée du Lot. Très vite, notre descente nous entraîne dans une brume épaisse.
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La température chute et une buvette organisée dans un hameau tombe à pic pour nous réchauffer. Sous l’appentis d’un four à pain public, une table est dressée avec thermos de café, d’eau chaude, et carafe de jus d’orange. Une boîte de sucres, des gobelets et cuillères en plastique sont à disposition des marcheurs. Une tirelire permet à chacun de régler son dû après s’être servi. Une sympathique initiative qui permet à une dizaine de pèlerins (québécois, savoyards, lyonnais) de se regrouper.
Nous repartons ensemble vers Saint-Côme-d’Olt et c’est en traversant une châtaigneraie que notre guide à quatre pattes choisit de nous abandonner pour une jeune chienne. Ingrat, je lui avais promis de l’adopter s’il m’accompagnait jusqu’à Compostelle.
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Il est midi et quart quand j’aperçois les premières maisons de Saint-Côme, l’un des plus jolis villages de France. Nous sommes à moins de 400 mètres d’altitude, le soleil est printanier, les champs sont couverts de fleurs, très loin de l’Aubrac enneigé de la veille. Il est temps, pour moi, de retrouver Danie (une amie d’enfance) venue marcher quelques jours sur le Chemin. Petit resto. pour faire le point et nous arrivons au gîte d’Espalion pour y passer la nuit.

Dimanche, 19 avril 2009, huitième étape.
Espalion – Golinhac
26,6km, 6h45 de marche, 650m de dénivelé.

Nasbinals – Saint-Chély-d’Aubrac

Petite journée débutée tristement puisque j’abandonne Marylène à Nasbinals.
Il fait froid, la neige est toujours bien présente et j’attaque le chemin à 8h00 précise. Pour rejoindre Aubrac, où je compte faire une halte, je dois franchir un col qui culmine à 1368m. Je suis l’un des premiers à m’élancer. Dans l’ascension, je rattrape “Monseigneur“ (ainsi surnommé parce qu’il est invariablement vêtu d’un jogging violet) et son compagnon aux allures de montagnard confirmé. La progression n’est pas facile, la neige est verglacée et les pentes herbeuses ruissellent déjà. À chacun de jouer, pile, les plaques de neige au risque de se “viander“, face, les zones découvertes où ce que vous croyez être un bout de pelouse s’avère être un trou boueux quand votre pied y disparaît jusqu’à la cheville.
Mais tout autour, le spectacle est au rendez-vous. Lumière rasante du matin qui étire l’ombre des arbres alentour. Des paysages larges aux ciels profonds, chargés de nuages bosselés, des paysages à photographier en écran large (Serge Moulia / photographies panoramiques et sphériques).
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Il est tout juste 10 heures quand j’aperçois la domerie d’Aubrac. Au centre du hameau, à l’architecture austère de granit gris, un seul bar est déjà ouvert. J’y commande un thé bien chaud et profite de son wifi pour poster mon article du 16/04.
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Une radio espagnole, Onda Cero, ayant souhaité me contacter tous les vendredis à 11h00 pour m’accompagner dans cette aventure, je décide d’attendre tranquillement l’appel de mes interlocuteurs Fernando Herce (animateur de la radio) et Julio Aznar. Julio est une figure du Camino frances. Président de l’association Jacobéa de Huesca, il consacre une partie de sa retraite à parcourir le chemin, chargé d’une pharmacie, pour venir en aide aux marcheurs en souffrance. Un véritable saint-bernard, toujours souriant, il ne lui manque que deux ailes.

À l’amorce de la descente vers Saint-Chély, je retrouve Catherine la Bisontine. C’est elle qui, à Aumont, face à la douleur de Marylène, lui avait spontanément prêté son bâton. Sans ce geste de solidarité (dans l’esprit du Chemin), ma compagne de balade n’aurait jamais rejoint Nasbinals par ses propres moyens.
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Par des chemins creux ombragés, nous dévalons 500 mètres de dénivelé en direction de la vallée du Lot et il est 13h30 quand nous entrons dans Saint-Chély-d’Aubrac.
Dix minutes plus tard, un orage de grêle éclate, combien sont-ils encore sur le Chemin ?…

Samedi, 18 avril 2009, septième étape.
Saint-Chély-d’Aubrac – Espalion
23,7km, 6h00 de marche, 270m de dénivelé.

Aumont-Aubrac – Nasbinals

Après une nuit marquée par ma première intervention dans le cadre de l’émission “Allo la planète“ sur France Inter, la journée de jeudi débute par une belle surprise. Dix centimètres de neige fraîche recouvrent Aumont et tout l’Aubrac.
Marylène y croit encore et décide de se lancer dans l’aventure malgré la douleur qui enveloppe son genou gauche.
Nous partons vers 8h30, le ciel est encore chargé de neige.
C’est au bout de deux heures et demie de marche, peu avant d’arriver chez Régine (célébrité locale qui tient un bistrot à l’entrée du plateau), que le soleil apparaît. La température monte et un gros paquet de neige, en chutant d’un sapin, me fait sursauter.
Un loup ?…
Pourquoi cette éventualité improbable a-t-elle était la première à me venir à l’esprit ? Sans doute parce que mon père m’a toujours raconté qu’en 45/46, alors qu’il partageait avec ma mère un poste double d’instituteurs (elle à Vitrolle, lui à Vitrolette, deux hameaux des plateaux lozériens), un loup sévissait dans la région. Tous les matins d’hiver, il couvrait dans la neige les 4 kilomètres qui séparaient les deux classes uniques, armé d’un gourdin pour repousser une éventuelle attaque.
Et aujourd’hui, marchant seul dans une décors semblable à celui que parcourait mon père il y a plus de 60 ans, un simple bruit sourd a suffi pour faire resurgir une peur enfouie de l’enfance.
Le loup de l’après-guerre, la Bête du Gévaudan, autant de faits divers qui ont laissé des traces dans l’inconscient de tous ceux qui sont nés et qui ont vécu dans cette région austère et belle.
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Le reste de la journée peut se résumer en une longue et magnifique balade, au soleil à la mi-journée et sous la menace de l’orage le soir.
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Marylène, après avoir souffert en silence, se résigne à abandonner. La mamie aventurière du Tarn aura fait preuve de beaucoup de courage dans une étape difficile, son mari la récupèrera dans la journée de vendredi à Nasbinals. Bon repos et soigne toi bien.
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Vendredi, 17 avril 2009, sixième étape.
Nasbinals – St-Chély
15,9km, 4h00 de marche, 250m de dénivelé.

Saint-Alban-sur-Limagnole – Aumont-Aubrac

Après-midi de repos total à Aumont-Aubrac. D’abord parce que les 15,2km de la matinée ont été avalés en 3h30 (un gentil paseo comparé à l’épreuve de la veille), ensuite parce que le gîte qui nous accueille est particulièrement confortable.

Retour sur l’étape du jour.
Le paysage est dans la continuité de celui de la veille, le temps également. Seule différence notable entre la Haute-Loire et la Lozère, la qualité de la signalisation. Autant, dans le Velay, les amis du Chemin multiplient les signaux pour nous maintenir dans la bonne direction, autant en Lozère, il faut les chercher pour ne pas emprunter une mauvaise voie.
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Deux côtes, courtes mais sévères, l’une à la sortie de St-Alban, l’autre après avoir franchi la Truyère aux Estrets, provoquent des ruptures dans notre binôme. Dans chaque ascension, Marylène lâche prise et me concède jusqu’à 200 mètres. Mais sur chaque secteur plat, dans chaque descente, elle rattrape son retard sans se plaindre.
“Avance à ton rythme, je ne veux pas te ralentir“ me dit-elle.
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À l’arrivée, Marylène se plaint d’un genou et doute de sa capacité à rallier Nasbinals demain. Elle envisage même d’abandonner si ces douleurs persistent.

Le terrible enchaînement d’une étape marathon et d’une étape rapide aura-t-il raison de la courageuse Mamilène?…
Pour en savoir plus, ne ratez pas l’émission Allo la planète, mercredi soir à 23h30, sur les ondes de France Inter.

Jeudi, 16 avril 2009, cinquième étape.
Aumont-Aubrac – Nasbinals:
26,3km, 6h40 de marche, 300m de dénivelé.

Saugues – Saint-Alban-sur-Limagnole

dscf43221Dure, dure, la troisième journée. J’avais repéré ses 29,2km et j’avais pensé qu’elle arriverait trop tôt pour des organismes peu aguerris. Bien vu, mais par manque d’attention et en suivant un couple qui nous précédait, nous avons rajouté 4 kilomètres à cette étape déjà limite. Débouchant d’une forêt bien abîmée par la dernière tempête Klaus (1), attirés par un beau buron isolé sous son arbre (2), nous prenons à droite vers l’ancien domaine Templiers du Sauvage (alt. 1292m).
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De part et d’autre du chemin, des restes de congères persistent, rappelant que l’hiver a été particulièrement rude (maisons isolées par la neige et privées d’électricité). La bâtisse est vaste et massive, magnifique, mais la crinière blonde d’un cheval dans un enclos voisin attire mon attention (3) et j’en oublie de photographier le monument. Dommage.
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Cette escapade involontaire rallonge notre route et c’est après 9 heures crapahutées que nous atteignons Saint-Alban, décomposés…
Une bonne douche, un bon repas chaud et au lit.
Le parcours de demain, deux fois plus court, devrait nous permettre de nous refaire.

Mercredi, 15 avril 2009, quatrième étape.
Saint-Alban-sur-Limagnole – Aumont-Aubrac:
15,2km, 3h50 de marche, 250m de dénivelé.

Saint-Privat-d’Allier – Saugues

Courte mais pas facile, l’étape d’aujourd’hui doit nous permettre de rallier la capitale du Gévaudan.
Au terme d’une première heure de mise en jambes, passé le hameau de Rochegude, nous nous lançons dans une descente rapide au milieu d’un chaos rocheux planté de résineux. Un épais brouillard ajoute du merveilleux à l’ambiance (1).
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Cela me rappelle une montée aux estives du Port de Larrau, effectuée il y a près de vingt ans dans les pas d’un berger d’Esterençuby (voir). Un fois passé l’Allier à Monistrol, une longue ascension de 450 mètres de dénivelé nous conduit sur les hauteurs de la Margeride naissante (2). dscf43122
Néné, personnage singulier, nous accueille dans sa buvette du Vernet. L’abat jour de l’unique ampoule qui éclaire son sympathique local est en coquilles St-Jacques. “Rapport au chemin“ avoue-t-il. L’addition pour deux casse-croûtes, une bière et un café en est presque honteuse : “Si c’est trop cher, dites-le-moi! Je fais ça pour rendre service…“
En voilà un qui n’a plus vraiment sa place dans ce monde.

Mardi, 14 avril 2009, troisième étape.
Saugues – Saint-Alban-sur-Limagnole:
29,2km, 7h30 de marche, 450m de dénivelé.

Le Puy-en-Velay – Saint-Privat-d’Allier

Il manquait 4 minutes pour faire 8h00 et Marylène était au rendez-vous. Pierre, absent, devrait nous rejoindre d’ici une semaine, tout comme Danie, à Espalion.
C’est sous un ciel bas et une pluie fine que nous quittons le parvis de la cathédrale du Puy. Un vrai crachin breton comme les aime mon Nanard, l’artiste à pédales.
Au bout d’une petite heure, les ponchos sont de sortie mais le moral reste au beau fixe. Pas de douleurs lancinantes, les kilomètres et les paysages s’enchaînent.
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C’est d’ailleurs ma première belle surprise. L’étape ne fait que 23km mais ce ne sont pas moins de 4 paysages, aux caractéristiques marquées, qui se succèdent. Après un causse fendu par un cañon, un plateau austère (1), une forêt de sapins dévastée par la dernière tempête (2), c’est une descente abrupte et glissante, dans le brouillard (3), qui nous entraîne vers Saint-Privat-d’Allier.

Lundi de Pâques, 13 avril 2009, deuxième étape.
Saint-Privat-d’Allier – Saugues :
19,2km, 4h50 de marche, 650m de dénivelé.