Mensuel Archives: mai 2009

Agés – Burgos

Malgré le ronflement permanent d’Angel, la nuit a été bonne et je me suis même offert une grasse matinée dominicale, d’une heure, jusqu’à 6h45. L’étape d’aujourd’hui doit me conduire jusqu’à Burgos, capitale de province, ville riche en patrimoine, cité du Cid, où je prendrai une journée de repos.

Dés la sortie du bourg d’Agés, un alignement d’arbres dans le contre-jour attire mon attention. Je sors mon petit compact numérique et réalise la photo ci-dessous.
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Et je ne peux m’empêcher d’évoquer le souvenir d’un vieil ami, Giovanni Zampieri, qui avait monté un laboratoire Cibachrome au début des années 80, près de la place de la République à Paris. À l’époque, je lui confiai mes diapositives pour qu’il en réalise des tirages d’exposition. Il ressemblait à un vieux druide, cheveux longs et barbe grise. Il était italien d’origine et parlait le français avec un fort accent. Un jour que je passais récupérer mes images, il me posa une simple question : “Sais-tu ce qui est le plus important en photographie ?“ Comme je n’avais pas de réponse à lui proposer, il ajouta : “La loumière“.
Ces arbres dans le soleil levant n’ont rien de remarquable, seule la lumière qui les habille justifie la prise de vue.
Où que tu sois, Giovanni, celle-là est pour toi.

Entre Atapuerca et Cardeñuela Riopico, je grimpe assez sèchement jusqu’à un point haut situé à 1060m (termino de Atapuerca) marqué par une grande croix et un monticule de cairns laissés par les marcheurs-pèlerins.
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Plus bizarre, quelques mètres plus loin, un ensemble de cercles concentriques est matérialisé au sol par des galets. Deux marcheurs tournent en rond. Personne n’a su me donner une explication valable pour cette œuvre de land-art.
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Vers l’Ouest, je distingue parfaitement Burgos et les flèches de sa cathédrale. Manon (voir début du blog) et de nombreux habitués du Chemin m’ont averti du peu d’intérêt de l’entrée dans Burgos. Polygones industriels et zones commerciales s’enchaînent pendant plusieurs kilomètres, incitant les pèlerins à prendre un bus pour atteindre le centre. Pour moi, ces kilomètres font partie du Chemin, il n’est donc pas question que je les évite.
Passé l’autoroute Vitoria-Leon, j’emprunte une piste de terre qui longe pendant 2,5km les pistes du nouvel aéroport de la ville. Je retrouve la N120 à Castañares, traverse quelques quartiers populaires, et débouche dans une large avenue qui m’amène jusqu’aux abords du quartier historique. Rien de vraiment désagréable (aparté pour Manon).

Lundi 1er Juin 2009, repos.
Burgos

Belorado – Agés

Le clocher de Belorado n’a pas encore sonné les trois coups de 6h45 quand je mets en route. Mon moteur, un vieux diesel, tarde à trouver son rythme de croisière. Je marche toujours très lentement les deux premières heures ce qui ne m’empêche pas de dépasser les villages endormis de Tosantos et Villambistas. Le paysage est toujours aussi monotone, toujours aussi “riojano“, toujours de grandes étendues de cultures industrielles. Je me prépare à l’ennui quand apparaît, dans un vallon du rio Oca, Villafranca Montes de Oca.
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En quelques mètres, tout change. Un virage à droite et j’attaque un raidillon qui me fait sortir du village puis entrer dans un bois de chênes. La piste, ombragée, magnifique, me hisse jusqu’à l’altitude 1150m du puerto de la Pedraja. Sur la ligne de crête, je traverse d’abord une lande de bruyères géantes, puis des plantations de sapins.
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Je plonge ensuite, littéralement, dans un ravin (Cerrada de la Pedraja) pour remonter en face une pente à 20%. Au sommet de cette escalade, je longe une nouvelle crête plantée d’éoliennes avant de pénétrer dans une vaste forêt de résineux. La promenade est plus qu’agréable pour atteindre San Juan de Ortega.
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Mais comme ce bourg manque d’infrastructures d’accueil, je choisis de me rendre à Agés et rallonge l’étape de 3,7km. À nouveau, le Chemin emprunte une piste forestière ombragée. J’avance sans difficulté, même pas mal aux pieds, et il est tout juste 14 heures quand j’entre dans l’auberge.
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Depuis Belorado, la veille, j’ai réservé une chambre individuelle pour échapper aux ronfleurs qui me persécutent depuis près d’une semaine (encore la nuit dernière). Déception, la réceptionniste m’annonce qu’il n’y a pas de chambres individuelles, que c’est un malentendu, qu’il n’y a que des chambres à deux lits. “À la guerre comme à la guerre“, réponds-je, et je la préviens qu’un autre marcheur (Angel), qui me suit et qui a fait la même réservation, compte, lui aussi, sur une chambre à un lit.
“Justement, me dit elle, c’est lui que nous comptions installer dans votre chambre“. D’accord pour moi puisqu’il me semble me souvenir qu’Angel évite les dortoirs par crainte des ronfleurs. À l’instant même où je rédige cet article, Angel fait la sieste dans le lit voisin du mien et ronfle comme un hors-bord. Nouvelle déception avant une nouvelle nuit rythmée.

Dimanche, 31 mai 2009, quarante-quatrième étape.
Agés – Burgos
25,1km, 6h30 de marche.

Santo Domingo de la Calzada – Belorado

Chose promise, chose due, je dois vous raconter le miracle de la poule et du coq de Santo Domingo de la Calzada. Mais tout d’abord, autant en profiter pour vous dire deux mots de ce Saint Dominique, moine bénédictin né à Viloria de la Rioja en 1019, grand maître d’œuvre à qui l’on doit un pont sur l’Oja, une route et un hospice pour les pèlerins. Ces réalisations lui valurent l’ajout de “la chaussée“ à son nom et firent de lui le patron des ingénieurs Ponts et Chaussée.
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Quant aux deux célébrités de la cathédrale de Santo Domingo, la poule et le coq que vous découvrez dès votre entrée dans la nef, dans un poulailler de bois suspendu à 3/4 mètres de hauteur, elles commémorent un surprenant miracle.
Un jeune pèlerin, voyageant en famille, avait été injustement pendu pour vol suite à la dénonciation d’une servante jalouse. Éconduite, celle-ci avait caché de la vaisselle d’argent dans ses bagages. De retour de Compostelle, ses parents l’entendirent leur dire du haut de son gibet qu’il était toujours vivant parce que Saint Jacques le protégeait. Ils s’adressèrent alors à un juge pour le faire libérer et celui-ci, qui était en train de manger des volailles rôties, leur répondit avec ironie : “Il est aussi vivant que ce coq et cette poule vont se mettre à chanter“. Et, ô miracle, le coq se mit à chanter et la poule à caqueter. Aussitôt, le magistrat fit détacher l’innocent et pendre à sa place la fautive.
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Laissons ces belles légendes de côté pour revenir à nos moutons, pour retrouver les longues files de pèlerins qui, aujourd’hui encore, ont longé avec obstination la N120.
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Au milieu de vastes étendues parfaitement cultivées, nous avons avancé sous le soleil, encouragés par les nombreux coups de trompe des chauffeurs routiers.
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Les villages sont parfaitement répartis sur le parcours, me permettant de me ravitailler en eau fraîche. Malheureusement, le Chemin n’a plus rien d’intimiste depuis qu’un important groupe organisé est venu grossir le flot des marcheurs.
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Mais les auberges de Belorado, surveillées par les cigognes depuis le haut de leur clocher, sont suffisamment nombreuses pour que j’arrive encore à trouver un lit.

Samedi, 30 mai 2009, quarante-troisième étape.
Belorado – San Juan de Ortega
24,4km, 6h10 de marche.

Najera – Santo Domingo de la Calzada

Un kilomètre à pied, ça use, ça use, un kilomètre à pied, ça use les souliers. Mille kilomètres à pied ?… Et bien non, finalement, mille kilomètres ne suffisent pas pour entamer mes semelles en Vibram. Tout ça pour vous dire que, ça y est, j’ai passé la barre des mille bornes !… Il me reste donc moins de 600 km à couvrir pour atteindre la Plaza del Obradoiro.

Ce matin, comme hier, beau temps et fraîcheur sur le Chemin. Ma nuit en gîte a été perturbée par un seul ronfleur (étonnant pour une chambrée de 40 personnes), et c’était mon plus proche voisin. Je devrais jouer au loto.
Sinon, dès 6h15, les néons s’allument et les files d’attente s’allongent devant les lavabos et les WC (peu nombreux), devant l’unique machine à café. Le genre de truc qui m’énerve, je pars sans déjeuner. La lumière de l’aube dore les vignes, j’arrive rapidement à Azofra.
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Bizarrement, alors que beaucoup viennent retrouver un peu de sérénité sur le Chemin, le stress du Chemin existe. Stress dès le réveil comme je viens de vous le raconter, stress qui vous fait accélérer pour arriver avant que l’auberge soit pleine, stress qui vous fait avancer votre repas pour trouver une table libre dans les restaurants qui proposent des menus pèlerins. J’avoue ne pas être venu sur le Chemin pour participer à une course-raid, bien au contraire. Une pensée d’Edgar Morin que devraient méditer tous les marcheurs et pèlerins : « À force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel ».
Donc, je traîne, je baguenaude, et tous me dépassent.
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Après une longue virée au milieu de cultures et de travaux d’irrigation, j’arrive à Cirueña où je me retrouve confronté au marasme économique de l’Espagne d’aujourd’hui. À gauche, un terrain de golf ultramoderne avec club-house et voiturettes, sans un seul pratiquant. À droite, des ensembles immobiliers flambant neuf et vides à 90%. La crise est là, palpable. Pendant des années, l’Espagne a assuré l’essentiel de son développement économique en construisant à tout va. Le pays était montré en exemple, on parlait alors du Japon de l’Europe.
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Les banques ont soutenu des investisseurs pour qu’ils s’endettent en bâtissant et, qu’à leur tour, ils poussent des milliers d’accédants à la propriété à souscrire des crédits (le plus souvent à taux variables). En septembre dernier, tout s’est effondré. Les banques ont récupéré des parcs immobiliers d’investisseurs en faillite et ne trouvent plus d’acheteurs pour récupérer leurs fonds initiaux.

Demain, pour changer des financiers qui ont convaincu nos gouvernants de changer le rien en tout, je vous raconterai le miracle de la poule et du coq de Santo Domingo de la Calzada.

Vendredi, 29 mai 2009, quarante-deuxième étape.
Santo Domingo de la Calzada – Belorado
25,1km, 6h20 de marche.

Logroño – Najera

Un temps unique, grand soleil et vent du Nord qui garantit au marcheur la fraîcheur idéale pour une étape relativement longue.

La première partie de la matinée se passe dans le tumulte du trafic autoroutier qui entoure Logroño. Puis c’est l’“almuerzo“ dans la jolie bourgade de Navarete. Après quelques oliviers et amandiers rencontrés à la sortie du bourg, les vignes sont omniprésentes.
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Je m’aperçois, qu’une fois encore, je vous donne à voir un coquelicot. “Un jour, tu verras“ reste pour moi, avec “Un gentil coquelicot“, deux des plus belles chansons françaises. Et, pour avoir bien connu Marcel Mouloudji à une époque où nous avions un projet commun sur le Paris populaire de Prévert, je garde, pour cette fragile fleur des champs, une tendresse toute particulière.
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Je file plein Ouest vers Najera. Le vert intense des feuilles est comme vernissé, la terre est rouge, les fossés sont généreusement fleuris.
La Rioja dans toute sa splendeur.
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Exemple de dortoir XXL :
A qui le gros lot de la loterie “spécial ronfleur“ de ce soir?

“Allô la planète“ du 26 mai 2007.
Émission disponible à la carte pendant 7 jours sur le site Internet de France Inter.

Jeudi, 28 mai 2009, quarante-et-unième étape.
Najera – Santo Domingo de la Calzada
21,3km, 5h20 de marche.

Los Arcos – Logroño

Aujourd’hui, entre Navarra et Rioja, la veste n’était pas un luxe.
Je suis parti dès l’aube pour éviter la chaleur de la mi-journée et j’ai marché les mains dans les poches pour les réchauffer. Ciel couvert, menaçant, qui m’a souvent laissé croire qu’un peu de soleil allait venir modeler le paysage alentour, en vain. J’ai eu beau essayer d’anticiper le déplacement des nuages, pas une seule photographie des vignobles traversés à vous proposer.
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Et quand le soleil a enfin daigné se montrer, je traversais déjà les zones industrielles de la capitale riojana. Une étape que j’espérais photogénique et qui s’est révélée décevante.
Sinon, juste une petite anecdote amusante à vous raconter.
Depuis mon arrivée sur le “Camino frances“, j’ai noté la présence (pour moi surprenante) de nombreux Japonais. Hier, j’ai partagé une chambre de 4 avec une Aragonaise et un couple de retraités Nippons. Et aujourd’hui, je n’ai pas cessé de rencontrer un duo de jeunes Japonaises. Mais cela en devenait bizarre car, toutes les demi-heures, ou elles me rattrapaient, ou je les retrouvais assises au bord du sentier. Je n’avais pourtant pas abusé de “cerveza“.
Ce n’est que vers midi que j’ai enfin compris qu’elles n’étaient pas deux mais quatre, avec dans chaque duo une même veste rouge. Si vous croyez que c’est facile de différencier des jeunes Japonaises!…
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Ce soir, nouvelle intervention dans le cadre de l’émission “Allo la planète“ (France Inter – 23h15).
Emission disponible en écoute à la carte pendant 7 jours sur le site internet de Radio-France.

Mercredi, 27 mai 2009, quarantième étape.
Logroño – Najera
28,2km, 7h30 de marche.

Estella – Los Arcos

Une étape courte et sans dénivelé de 20,6km, juste de quoi se remettre en douceur sur le Chemin.
J’oublie vite Ayegui, faubourg d’Estella, pour atteindre Irache, son monastère et sa cave du même nom. L’endroit est connu de tous les pèlerins de Saint-Jacques pour proposer une fontaine à vin en accès libre. Je ne déroge pas à la tradition et me penche sous le robinet…
Et me penche, oui, oui, oui, et me penche, non, non, non, et me penche sous le robinet… Deux gorgées pour juger la cuvée et je me remets en route.
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Le ciel est chargé de nuages menaçants mais il fait frais, un temps idéal pour marcher. Entre Azqueta et Villamayor de Monjardin, au bord du sentier, je découvre la Fuente de Los Moros, un édifice gothique qui abrite une citerne au bas d’un escalier raide.
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Il est 10h00 quand je choisis de faire halte pour casser la croûte. Décision opportune puisqu’un orage éclate, brutalement et bruyamment. Je me réfugie dans le bar local pour prendre le temps de savourer un “bocadillo de jamon y caña“, un grand classique. Quand la pluie cesse enfin, il est 11h00, je redémarre.
Demi-heure plus tard, rebelote, je n’ai pas d’autre solution que d’enfiler mon poncho et de rentrer la tête dans les épaules, la foudre frappe deux fois à moins de 500 mètres. Impressionnant, mais n’ayant aucune possibilité d’abri, je continue.
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Il n’est pas 14h00 quand j’entre dans le centre historique de Los Arcos.

Patrick m’a demandé de vous décrire l’ambiance dans les auberges espagnoles. Tout d’abord, je confirme, vous n’y trouvez rien de plus que ce que vous y apportez. Ensuite, si je prends l’exemple de celle d’aujourd’hui (72 places en chambres de 4 ou en dortoir – 4€ la nuitée), c’est propre mais c’est aussi confort minimum. S’il me fallait résumer, je dirais que ça me rappelle les chambrées de l’armée. Et l’ambiance est au désoeuvrement. Certains sont partis découvrir le patrimoine alentour, mais la plupart traînent sur leur lit, soignent leurs bobos, dorment, lisent ou écrivent, jouent aux cartes, se rassemblent par communautés. En fait, j’ai l’impression que, à l’écart du Chemin, le marcheur s’emmerde un peu…
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Puis arrive l’heure du repas. Quelques-uns s’organisent en groupes et cuisinent, la majorité s’offre un menu “pèlerin“ à 9/10 euros.
Enfin, parce que le pèlerin se lève tôt (surtout en Espagne où il n’y a pas de possibilité de réservation des lits, donc c’est un peu la course), tout le monde se couche vers 22h00.
Et là, c’est chaque soir la grande loterie. Avec un peu de chance, vous tombez dans une chambre sans ronfleur et vous passez une nuit correcte. Mais vous pouvez, aussi, vous retrouver dans un dortoir de 30. Il est, alors, extrêmement rare qu’il n’y ait pas quelques moteurs diesel dans le lot. La situation devient binaire, il y a ceux qui dorment comme des bébés (vous les entendez distinctement et régulièrement), et ceux qui passent leur nuit à se retourner sur leur matela.

Mardi, 26 mai 2009, trente-neuvième étape.
Los Arcos – Logroño
28,8km, 7h15 de marche.

Estella, repos

Hier, j’ai terminé mon récit en vous racontant mon arrivée dans Estella en fête.
Aujourd’hui, je vais vous apporter des précisions sur ces célébrations qui m’ont, pour le moins, troublé. Tout d’abord, quand j’ai organisé mon voyage, Estella ne représentait rien de plus qu’une ville étape parmi plus de soixante. Ce qui constitue une drôle de coïncidence, c’est que cette petite ville de Navarra célébrait hier, le jour de mon passage, la sainte patronne de la ville : Nuestra Señora del Puy.
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Une légende raconte que, vers 1085, des bergers attirés par un groupe d’étoiles découvrirent, cachée dans une grotte, une statue de la Vierge. Curieusement, avant cette date, il existait un regroupement de marchands d’origine franque qui essayaient d’attirer vers leurs comptoirs les pèlerins qui traversaient l’Ega (deux kilomètres plus au sud) et qui se dirigeaient vers Irache sans passer par Estella. Pour détourner le flot des voyageurs vers leurs commerces, ils donnèrent à la vierge découverte miraculeusement, le nom de l’une des Vierges les plus vénérées dans le royaume franc : Notre Dame du Puy. Le succès de leur opération publicitaire fut immédiat.
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Autre hasard de mon calendrier, c’est à Estella que j’ai choisi de me reposer une journée. J’ai donc eu tout le loisir, ce matin, de me rendre sur les hauteurs de la ville pour y visiter la basilique de Nuestra Señora del Puy. Arrivé à la porte du sanctuaire, mon regard est attiré par une affichette, un avis de recherche scotché sur un pilier. Le nom de la personne disparue : Maria Puy. Et l’on ne peut pas dire que Puy soit un patronyme répandu en Espagne.
Je rappelle à ceux qui prendraient le blog en marche, que je suis né au Puy et que c’est pour cette raison que j’ai choisi comme point de départ de mon Chemin, la capitale du Velay. Troublant…
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Autre surprise du week-end (que du bonheur), Alexandra et Julio ont profité de mon “descanso semanal“ pour me rendre une visite amicale. Affectueuse, me risquerai-je à écrire. Alex, arrivée en Aragon quelques mois avant que je m’y installe, est originaire de Lyon. Et comme elle a l’âge d’être ma fille, très vite (j’espère ne pas inquiéter Martine, sa maman que j’embrasse), je l’ai “adoptée“. Jeune femme intelligente, généreuse et respectueuse, elle véhicule tout un ensemble de valeurs qui me sont chères. C’est ce que les Espagnols appellent : “una muy buena persona“. Elle me fait partager le point de vue de sa génération dans des discussions parfois vives et j’espère que mon son de vieille cloche lui apporte un peu en retour.
Alex, Julio, gracias por venir y besos.

Lundi, 25 mai 2009, trente-huitième étape.
Estella – Los Arcos
20,6km, 5h15 de marche.

Puente la Reina – Estella

Dernier jour de la semaine et seulement 22,9km à se mettre sous les semelles. Tant mieux, cela va me permettre de souffler un peu avant de profiter d’une journée complète de repos.

Première constatation, je suis désormais sur l’autoroute qui mène au champ d’étoiles de Saint-Jacques. Que de monde !… Alors que nous n’étions qu’une petite dizaine à nous partager le Chemin depuis Jaca, nous sommes, maintenant, plus d’une centaine à progresser vers l’Ouest. Allemands, Brésiliens (l’influence de Coelho), Italiens et Français constituent le gros de la troupe, ce qui parfois agace des Espagnols plus vraiment maîtres chez eux.
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Quatre villages, idéalement répartis sur le tracé, nous permettent d’intercaler quelques pincées de ruelles moyenâgeuses entre de beaux vallons dédiés à la culture de céréales, d’oliviers et de vignes.
Mañeru arrive presque trop vite. Je refais le plein de mon bidon à la fontaine du village et je n’ai pas le temps de le vider que se présente déjà Cirauqui.
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Beaucoup ont choisi de s’y arrêter pour déjeuner, je préfère continuer sur ma lancée.
Entre Cirauqui et Lorca, voies romaines et pont médiévaux, se succèdent. Des groupes me rattrapent, cosmopolites, et tous s’expriment dans un anglais mâtiné d’accents bizarres. Tout le monde fait un effort pour communiquer et se comprendre. À l’horizon, j’aperçois la barre rocheuse de la sierra Cantabria qui domine les fameuses caves de Laguardia, Paganos et El Ciego. La Rioja alavesa n’est plus bien loin. Les vignes sont de plus en plus présentes dans le paysage.
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À Lorca, rassemblement devant un petit bar qui occupe, curieusement, les deux côtés de la rue principale. Au milieu des sacs en vrac, les uns mangent leurs sandwichs, d’autres ont un verre à la main, je choisis de boire mon expresso du matin.
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Puis je termine l’étape à mon rythme, tranquillement…
Le temps est agréable, un peu de vent atténue l’ardeur d’un soleil bien présent. Il est 13h00 quand j’entre dans Estella en fête. J’ai cru, un moment, que tambours et trompettes célébraient mon arrivée. Déception, cette fin de semaine est simplement marquée par les fêtes locales.

Dimanche, 24 mai 2009.
Repos.

Monreal – Puente La Reina

Heureusement que je n’ai qu’une confiance relative en la météo. Hier, elle nous annonçait une journée fraîche et nuageuse. Levé à 6h00, j’étais le premier à quitter le gîte. Plus de trente kilomètres, 8h00 d’effort, ça se respecte. La tête de la figue de Monreal, qui domine la vallée, est enveloppée de nuages, il ne fait pas chaud, je supporte la veste et enchaîne les kilomètres… Ezperun, Gurundiain, deux villages à consonance basque sont avalés dans le petit jour.
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Le sentier monte, descend, remonte au milieu des genêts, sur le flanc de la sierra de Alaiz. Il est 10h00, l’heure sacrée de l’“almuerzo“ (surtout que je n’ai pas déjeuné) quand je commande une ration de “patatas bravas“ et un “bocadillo de jamon y queso“ dans l’unique bar de Tiedas. Trois quarts d’heure plus tard, rassasié, je repars et découvre avec étonnement que la couverture de nuages a disparu et que le soleil est bien présent. J’enlève la veste, j’ai encore 18 kilomètres à parcourir et ça risque d’être chaud.
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Après un faux plat qui me mène à Muruarte de Reta, je plonge vers Eneriz. La piste n’est pas difficile, mais la descente est longue. En contrebas, le nouveau canal de Navarre m’indique le chemin. Bel ouvrage !… J’essaie de me faire léger (je sais, c’est pas facile), en prenant appui sur mes bâtons, pour ne pas trop solliciter mes genoux, mais c’est à l’avant du tibia gauche qu’apparaît une légère tendinite. Il fait maintenant très chaud, le vent est tombé, je ralentis mon rythme et raccourcis mes pas. En traversant Eneriz, je profite de l’ouverture du café social, pour avaler deux Pepsis. Pas facile de repartir, il me reste 8 kilomètres et il est 13h00. J’ai déjà vidé 3 bidons de 1 litre, cela ne fait que dix minutes que j’ai quitté le bar et j’attaque le quatrième.
Petit à petit, Anton (l’Allemand) que je n’avais pas vu de la matinée, revient sur moi. La jonction se fait à proximité de la chapelle d’Eunate (prononcer E-ou-nate, comme Ba-y-rou).
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Cet édifice du XIIéme présente comme originalité principale d’être octogonal et d’être ceinturé d’arcades, comme un cloître extérieur à ciel ouvert. Il semblerait que ce fut une chapelle funéraire consacrée aux morts du pèlerinage. Du coup, je ne m’attarde pas.

Il est 15h30, quand j’entre dans Puente la Reina, point de convergence des voies françaises de Tours, Vézelay, Le Puy et Arles.
Demain sera un autre jour, sur le “Camino frances“.

Dos fotos para Gabriel y Elvira.
Gaby: el ternerito, porque te parece un poco cuando te enfadas.
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Elvira: una mariposa elegante como cuando bailas.
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Besos a los dos.

Samedi, 23 mai 2009, trente-septième étape.
Puente la Reina – Estella
22,9km, 5h45 de marche.