Mensuel Archives: mai 2009

Sangüesa – Monreal

Plus de trente kilomètres à parcourir, vu la chaleur endurée dans la dernière heure de l’étape d’hier, je décide de partir à l’aube.
La température a baissé, un orage a rafraîchi l’atmosphère. Anton a choisi de m’accompagner. Il est 6h30 quand nous passons devant l’exceptionnel portail de l’église Santa-Maria. Puis nous traversons le rio Aragon et, très vite, prenons la piste en direction de Rocaforte et d’Izco.
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Le soleil reste discret derrière un voile nuageux, le terrain est un peu lourd, parfois glissant, mais la journée est idéale pour la marche.
Une côte nous permet de nous hisser à proximité d’une crête hérissée de moulins. Il faut savoir qu’en Navarre, plus de 20% de l’électricité est produite par le vent. Mais pour arriver à un tel chiffre, l’Autonomie n’a pas hésité à mettre le paquet.
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Certains trouvent que ces forêts d’éoliennes dénaturent le paysage, pour ma part, je leur trouve un certain charme. Elles m’ont toujours fait penser à la fleur du petit prince. Et elles offrent l’avantage de pouvoir être démontées aussi vite qu’elles ont été installées, sans laisser de traces contaminantes pour l’environnement.
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À part ça, juste un souhait, que le temps reste égal afin que je puisse enchaîner sans difficulté une seconde étape de 31,1km.

Vendredi, 22 mai 2009, trente-sixième étape.
Monreal – Puente la Reina
31,1km, 8h00 de marche.

Ruesta – Sangüesa

La météo annonce près de 30 degrés et, bien que l’étape soit courte, cette journée va constituer pour moi un premier vrai test “chaleur“.

Je quitte Ruesta, village dépeuplé et gîte “anarchiste“ en compagnie de deux Basques nationalistes. Il fait frais, l’ascension d’un petit col de 6,7km commence dans la fraîcheur d’un bois de chênes, tout va bien…
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Anton, un Allemand de Francfort (62 ans) me rattrape. Nous communiquons en anglais. Nous nous suivons depuis deux jours et je commence à en savoir un peu plus sur son périple. Parti, de chez lui, le 1er mars, il entend arriver à Santiago à la mi-juin au terme d’un parcours qui avoisinera les 3000 kilomètres. Un accident cardiaque, lorsqu’il était au sommet de sa carrière professionnelle, lui a fait prendre conscience de l’importance de sa famille et de ses responsabilités. Il a, alors, décidé de recentrer sa vie sur cet essentiel. Première action de grâce et premier pèlerinage en 2000, depuis Saint Jean Pied de Port. Et cette année, étant retraité et disposant de plus de temps, il a choisi de partir de chez lui comme un pèlerin du Moyen Age .
Ce type de pèlerinage au long cours n’est pas rare.
Nous sommes arrêtés au bord du Chemin pour faire quelques photos de la retenue de Yesa, dans la vallée, quand surgit “Marathon man“, un quadra belge, grand, costaud, parti de Bruxelles et qui entend pousser jusqu’à Fatima (Portugal) après avoir remercié Saint Jacques. Je l’appelle “Marathon man“ parce qu’il a pour habitude d’enchaîner des étapes de 40 kilomètres (et plus), à un rythme infernal. Son rêve, partir 5 mois en croisade, de Bruxelles à Jérusalem.
Il est parti, je ne le reverrai sans doute pas.
“Ultreïa !…“ Nous lance-t-il en disparaissant dans une courbe.
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Au sommet de la côte, nous parcourons quelques centaines de mètres sur une ligne de crête et attaquons la descente vers Undues de Lerda.
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Il est 11h30, l’heure de l’“almuerzo “. Deux œufs frits, du bacon grillé, deux pimientos del Piquillo et deux cañitas pour moi. Anton choisit deux cafés au lait pour accompagner son plat.
Nous repartons, quittons l’Aragon pour entrer en Navarre, la chaleur devient difficilement supportable.
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J’augmente l’allure pour abréger l’épreuve. Anton, disparaît dans mon dos. L’eau de mon bidon est carrément chaude quand je la termine.
Les thermomètres de Sangüesa affichent 31° à l’ombre, il est 14h00 quand je pousse la porte de l’auberge.
Deux étapes de plus de 30 kilomètres sont prévues, demain et vendredi, elles ne s’annoncent pas comme des parties de plaisir.

Jeudi, 21 mai 2009, trente-cinquième étape.
Sangüesa – Monreal
31,1km, 8h00 de marche.

Arrés – Ruesta

Après une nuit passée dans la chaleureuse ambiance de l’auberge des pèlerins d’Arrés (nous n’étions que huit), le jour se lève dans toute sa splendeur. Pas un nuage pour tacher le grand bleu. II est 7h20, je suis le premier à me mettre en route pour mieux profiter de la lumière du petit matin.
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Face à moi, le village de Berdùn est perché sur son promontoire. Je lui tire le portrait, spécialement pour la famille Gutierrez qui y possède un pied-à-terre. J’enchaîne ensuite, passant au pied de Martes (le bien nommé en ce 19 mai), puis de Mianos, pour atteindre enfin Artieda. J’ai passé la matinée à photographier des fleurs bleues, jaunes, mauves, rouges, j’en ai pris plein les mirettes, je n’ai pas vu le temps passer.
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Tous mes colocataires m’ont rejoint, puis dépassé. La chaleur monte, il est près de 13h00, quand j’entre dans l’auberge d’Artieda.
Accueil glacial, je ne m’attarde pas.
“Una media tortilla y una cerveza para almorzar“, je fais le plein du bidon d’eau, je passe par la mairie pour me connecter et envoyer l’article d’Arrés. Il n’est pas 14h00, me voilà reparti. Plus que huit kilomètres et demi, annonce le guide. Je ne sais pas si c’est l’effet de la tortilla, de la cerveza, de la chaleur ou des trois conjugués, mais c’est 8,5km vont me paraître bien longs. Pas qu’à moi d’ailleurs, mes compagnons ont eu, eux aussi, la même impression. Mais ils avaient également eu droit au même menu, donc ça ne compte pas…
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Heureusement, après de longues lignes droites sur l’asphalte (en plein cagnard) le Chemin nous entraîne sur un étroit sentier qui se faufile dans un bois de jeunes chênes, en bordure de la retenue de Yesa. Il y fait plus frais. Malheureusement, je n’ai plus d’eau, je ne vois plus rien du paysage alentour, j’ai l’impression d’avoir raté une direction, ça n’en finit plus.
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Enfin un panneau directionnel et, juste derrière, j’aperçois les ruines du château de Ruesta.
L’auberge de Ruesta présente l’originalité d’être gérée par la CGT espagnole. De ce côté des Pyrénées, la CGT est un syndicat minoritaire, issu d’une scission avec l’historique CNT, mouvement anarchiste connu pour avoir tenu un rôle important pendant la guerre civile. Il faut savoir que les bâtiments rénovés du gîte sont propriétés de la CHE (Confédération Hydraulique de l’Ebre) qui gère les différents barrages et ouvrages d’irrigation de la région.
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Et c’est cette même CHE qui a confié l’entretien et la gestion de cet accueil de pèlerins à la CGT. Dans ce mariage de la carpe et du lapin, la CHE entend élever la hauteur du barrage de Yesa de 14 mètres et, principal opposant, la CGT mobilise toute la région pour que ce projet tombe à l’eau. Amusant, non ?…
Ceci étant dit, l’établissement est parfaitement tenu.

Je profite, ici, de l’occasion pour rendre hommage à certains restaurants d’entreprises (en France) qui étaient gérés par des agents CGT (détachés) jusqu’à ce que soient lancés des appels d’offres récupérés par des groupes de restauration industrielle.
Résultat, baisse de qualité dans un premier temps, puis augmentation du coût des repas, le tout au préjudice des employés.
Et les dirigeants de ces mêmes entreprises, pour avoir souhaité récupérer les emplois détachés au prix d’une dégradation d’acquis sociaux, comprennent mal que leurs agents, à leur tour, ne sachent plus faire preuve de générosité dans leur boulot.
Cela s’appelle, manquer de lucidité!…

Mercredi, 20 mai 2009, trente-quatrième étape.
Ruesta – Sangüesa
22,4km, 5h30 de marche.

Jaca – Arrés

C’est à partir de Jaca que je mets, définitivement, le cap à l’ouest et débute une longue ligne droite de 800 km.
Ultreïa ! Plus loin, plus haut ! Le cri de reconnaissance, le salut, que se lancent les pèlerins de Saint-Jacques à chacune de leurs rencontres s’entend plus fréquemment de ce côté des Pyrénées. La tradition est, ici, plus forte. Le Chemin (bien qu’appelé “Camino frances“) est avant tout espagnol, Santiago Matamoro est le saint patron de cette terre qui peine à s’affirmer comme nation.
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Balisage de meilleure qualité, nombreux panneaux d’explication.

J’aime, sincèrement, le haut-Aragon.
Combien se sont étonnés de mon installation à Huesca?
Combien m’ont dit : “C’est une terre aride, austère, peu accueillante“ ?…
C’est qu’ils ne connaissent pas la pureté de la lumière qui inonde l’Aragon au printemps.
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C’est qu’ils n’ont jamais vu son ciel d’un bleu intense, ses champs de blé qui ondulent en grandes vagues vertes, ses bouquets de genêts jaunes mouchetés de coquelicots.
C’est qu’ils ne se sont jamais régalés de ces couleurs à faire exploser de bonheur une diapositive Velvia.
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Trop de mes amis traversent l’Aragon en plein été, après les moissons, et ont de cette terre une impression faussée. Dépêchez-vous, il ne vous reste que quelques semaines pour profiter de cet enchantement et découvrir, San Juan de la Peña, Loarre, los Mallos de Riglos et toute une ribambelle de vestiges romans.
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Ermita de San Cristobal (Jaca).

Mardi, 19 mai 2009, trente-troisième étape.
Arrés – Ruesta
27km, 6h45 de marche.

Jaca, repos

Pour pleinement profiter de mon jour de repos désormais hebdomadaire, j’ai choisi de faire halte dans une auberge de tourisme équestre. Le Charlé se situe à deux kilomètres au nord de Jaca, entre le rio Aragon et la RN330, en bordure du Chemin de Saint Jacques. Un accueil parfait, un site plein de charme (petite maison dans la prairie) et un peu de confort pour se remettre des efforts consentis dans la remontée de la vallée d’Aspe et le franchissement du Somport. Un établissement qui propose des menus ainsi que des nuitées adaptées aux pèlerins et qui ouvrira, prochainement, un point d’information sur le Camino de Santiago.
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Une adresse à conserver pour tous ceux qui souhaitent découvrir la Jacetania en quelques jours.

Ils sont définitivement trop sympas ces Aragonais.
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Copie de la coupure de presse parue dans le Alto Aragon de samedi (gracias Myriam).

Lundi, 18 mai 2009, trente-deuxième étape.
Jaca – Arrés
24,9km, 6h00 de marche.

Canfranc Estacion – Jaca

Au réveil, grand bleu sur la chaîne, 23,6km de descente m’attendent, vilain temps pour mes genoux. Le rio Aragon court à mon côté, d’innombrables “riachuelos“ dégringolent des sommets, les prairies sont d’un vert intense, les genêts en fleurs diffusent leur parfum envoûtant, la province de Huesca affiche ses plus belles couleurs de printemps.

Je quitte le Chemin pour traverser Villanua. Non pas pour profiter de l’architecture minimaliste du lieu, mais pour m’arrêter dans l’un de mes bars préférés “y almorzar un poco“. “Patatas bravas, chorizo y una caña de cerveza“, je me sens déjà mieux, un peu plus Aragonais “de verdad“.
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Je repars vers Castiello de Jaca, le sentier se charge de grosses pierres blanches, la végétation se rabougrit, le chant des grillons s’intensifie avec la chaleur, des odeurs de garrigue rappellent que nous sommes passés sous influence méditerranéenne.

Je repense à mon ascension d’hier, au froid, à la neige, aux chaussures qui n’avaient pas le temps de sécher d’un jour à l’autre et j’imagine le dicton du jour :
“Qui marche en France, reste mouillé, qui traverse l’Espagne, finit bronzé“.
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Photographie de Maria José Gutiérrez Lera.
Il n’est pas plus de 14h30 quand j’arrive à l’étape, repos complet jusqu’à lundi matin, 8h00.

Dimanche, 17 mai 2009.
Jaca
Repos.

Milou d’Aspe

Pour tous ceux qui ont eu de l’intérêt à lire mes aventures avec le jeune chien de la vallée d’Aspe, vous apprendrez le pourquoi de son vagabondage en lisant le commentaire de Vincent (Urdos – Canfranc Estacion).

Urdos – Canfranc Estacion

Comme tous les vendredis, une “entrevista“ est programmée sur la radio espagnole Ondacero. Mais aujourd’hui, mes amis m’ont promis de se déplacer jusqu’au Somport pour m’accueillir. Trop sympas ces Aragonais.

La météo annonce de la neige à 1200m. Il pleut déjà sur Urdos quand je quitte l’hôtel des voyageurs. Je suis attendu à 11h30, il est 8h15, j’enfile ma cape et au boulot.

Après 5km d’asphalte, aux abords de l’ancienne auberge du Peilhou, je retrouve le sentier en sous-bois. Surprenant, de petits buis tapissent le sol, on se croirait à la Réunion si la température n’avoisinait pas les 5 degrés. Le Chemin monte régulièrement, j’enjambe plusieurs ruisseaux qui descendent en cascade, la brume tamise la lumière, c’est magnifique.
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J’ai choisi de faire l’ascension en musique. Et entre Barthold Kuijken et Diego el Cigala, se glisse Marcel Amont (je sais, j’ai des goûts très éclectiques) qui me chantonne “Joli moi de Mai“. Que de coïncidences! Marcel est peut-être, au même moment, devant un bon feu dans sa maison d’Aubise (sur l’autre versant de la vallée) et, effectivement, c’est un bien joli moi de Mai.

La pente reste régulière et ne demande pas d’efforts. Par contre, la tempête Klauss a, ici aussi, fait des dégâts. Des arbres m’obligent à choisir, je passe par-dessus, je passe par-dessous.
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Celui-là, j’ai décidé de l’enjamber, j’en avais marre de ramper dans les feuilles mortes mouillées, sac à dos.

La neige commence à tomber quand j’atteins les estives de Peyrenère. L’anecdote me plaît. Il est 11h32 quand je franchis la frontière. Je tombe dans les bras de Julio Aznar (président de l’association jacquaire de Huesca) qui me gratifie d’un “fuerte abrazo “. Fernando Herce (animateur Ondacero) fait des photos avant de sortir du coffre de sa voiture une “Trenza de Almudevar“ (délice de la gastronomie aragonaise) et une bouteille de Cava. Ils sont vraiment trop sympas ces Aragonais.
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De gauche à droite, Julio Aznar, Fernando Herce et ma créanciale, (justificatif de mon Chemin français).
Nous nous réfugions dans la cafétéria la plus proche pour y enregistrer l’entrevue. Puis les deux compères repartent vers Huesca.
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Je suis, pratiquement, à la moitié de mon parcours. J’en ai terminé avec la France. Le soleil est de retour, la chaleur pourrait bien constituer la plus grosse difficulté des étapes à venir. Viva España !…

Samedi, 16 mai 2009, trente et unième étape.
Canfranc Estacion – Jaca
23,6km, 6h00 de marche.

Bedous – Urdos

“Pluie du matin n’arrête pas le pèlerin“. Eh bien c’est vrai, je l’ai vérifié aujourd’hui. D’abord un crachin béarnais qui me rafraîchit jusqu’à l’auberge d’Estanguet. Puis, comme la pluie devient insistante, je finis par sortir mon poncho. En général, c’est quand vous avez enfin réussi à l’enfiler, qu’il couvre bien votre sac à dos (pas facile quand il y a du vent), que l’averse cesse.
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Pour une fois, il n’en est rien, et c’est au moment de me remettre en route que je remarque la présence d’un jeune chien, plutôt craintif (non, pas Pluto). Pour le rassurer, je l’appelle et le caresse, belle connerie, il se glisse dans mes pas. À l’arrivée sur la RN134, j’ai beau gueuler, le menacer de mes bâtons, rien n’y fait, il choisit de me suivre.

Alors que le Chemin longe une voie parcourue par de nombreux semi-remorques, qu’il pleut, que la chaussée est glissante, je dois veiller à ma sécurité et à celle de ce corniaud. Cet abruti se plante au milieu de la route pour courir ensuite après les autos comme s’il s’agissait de brebis. Affolés, tous freinent en le voyant et m’engueulent en pensant que je suis son propriétaire.
Plusieurs fois des poids lourds s’arrêtent, derrière les voitures pilent. On frôle le carambolage. Et moi, au milieu, vociférant après le pot de colle.

Enfin, juste avant Cette-Eygun, je m’engage dans un sentier qui m’éloigne du goudron. Une barrière métallique en règle l’accès. Je la referme derrière moi pour me retrouver, enfin, seul. Le corniaud m’observe, je m’éloigne, il semble s’être résigné. Je longe le gave en traversant une prairie d’herbes hautes maculée de fleurs des champs. Je me retourne machinalement, mon meilleur ami est sur mes talons.
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Rebelote, jet de bâtons, vociférations, rien n’y fait. Heureusement, se présente une nouvelle barrière métallique. Elle semble plus difficile à franchir par un chien, même obstiné. Divorce consommé, j’arrive en vue d’une passerelle de bois qui doit me permettre de franchir le Gave pour retrouver la nationale et filer vers Borce.
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À 12h15, France Bleu Béarn doit m’appeler pour une interview en direct. Il est 11h30, j’accélère le pas. Il pleut toujours, je n’ai que 500 mètres à faire avant de bifurquer vers Borce, je tourne la tête, Uhu a retrouvé ma trace. Comment faire pour qu’il me lâche ? Je repense au capitaine Haddock et à son bout de sparadrap (*pour les tintinophiles).
Deux semi-remorques espagnols dévalent en convoi, tous feux allumés. Et l’autre s’aplatit au milieu de la route comme devant un troupeau. Le premier conducteur fait un écart en donnant de la trompe. Je n’ai pas vu ce qu’a fait le second. J’ai préféré tourner la tête et fermer les yeux pour ne pas assister au massacre.
Je ne sais pas comment, mais ce dingo s’en est encore sorti.
À l’entrée de Borce, un chantier de travaux publics me permet de faire diversion. J’explique mon problème. Un ouvrier me propose de fixer son attention le temps que je m’éloigne. En fait, comme Haddock, je me suis débarrassé de mon bout de sparadrap en le repassant à une âme compatissante (*pour les mêmes).

J’arrive, rincé, au café communal où Eliane m’accueille avec beaucoup de générosité. Une fois l’émission terminée, je n’ai plus qu’à franchir prudemment le défilé du fort du Portalet pour finir l’étape.

Demain, ascension du Somport, les bulletins météo prévoient de la neige à 1200m, encore une belle journée d’aventures en perspective. Il ne me manquerait plus que la compagnie d’un ours pour me motiver dans l’effort.

Vendredi, 15 mai 2009, trentième étape.
Urdos – Somport – Canfranc Estacion
18,5km, 5h00 de marche.

Oloron – Bedous

Ce n’est plus une surprise mais une confirmation.
Depuis 2003, j’ai dû emprunter plus de 100 fois la nationale 134 mais c’est aujourd’hui, à pied, que j’ai le mieux vu la vallée d’Aspe.
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Trente kilomètres pour rejoindre Bedous, un équilibre presque parfait entre sentier et goudron. D’abord la forêt de Bages et un chemin “merdouillous“ (comme on dit par ici) qui me fait préférer la route. Après Saint-Cristau et son charme désuet, je traverse Lurbe et retrouve Michel (sexagénaire héraultais) en pleine conversation avec un chien et un chat.
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Le chien lui lèche les pieds pendant que le chat squatte son sac. Attiré par la médecine et la spiritualité orientales, Michel prolonge son cheminement intérieur en marchant vers Compostelle. Ne cherche plus “compadre“, tu as tout de Saint François, assis sur ce muret.
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Le soleil perce entre de gros nuages, le paysage est somptueux, et j’atteins, seul, le pont d’Escot.
Commencent alors 4 kilomètres de sentier en surplomb d’un Gave rendu tumultueux par la fonte des neiges et les orages de la nuit.
C’est impressionnant. Par endroits la tempête Klauss a provoqué des affaissements de terrain et rendu le passage très étroit, dangereux. Je crois qu’il serait préférable de fermer ce secteur, le temps que le Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques le sécurise.
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Après Sarrance, quand le Gave vient vous lécher les bottes, je frémis à l’idée de déraper sur une roche glissante. Déséquilibré par les 12 kilos de mon sac, je me retrouverais vite à l’eau et je doute que ma brasse coulée serait suffisante pour me permettre d’échapper à la violence des remous.

À la hauteur de l’embranchement de Lourdios-Ichère, un orage de grêle me surprend et c’est, trempé, que j’entre dans Bedous.

Pour mes amis béarnais, demain jeudi, à 12h15, intervention sur les ondes de France Bleu Béarn.

Jeudi, 14 mai 2009, vingt-neuvième étape.
Bedous – Urdos